Histoire d'O. Déjà, c'est un beau titre, à la fois prosaïque et poétique. Et puis il y a le coup de génie, le prénom réduit à la lettre, et pas n'importe laquelle.


Car O suggère d'abord l'ouverture (j'ai parlé de l'Ouvert de Rilke il y a quelques jours et, contrairement aux apparences, on n'en est pas si éloigné). L'Ouverture, the Opening, die Öffnung - tout le monde semble d'accord là-dessus.


De fait, avant même de commencer à exister comme personnage romanesque, O se définit comme une femme ouverte. On se souvient de la remarque malicieuse du Robinson de Tournier pour qui le désir sexuel ne se sublime que dans les superficialités du corps (aux dépends de sa profondeur, jugée trop vulgaire).


Si O avait lu Vendredi, elle aurait certainement trouvé ça très spirituel, mais probablement pas assez pénétrant. Il faut dire que chez elle, l'ouverture est avant tout une affaire d'orifices.


Ceci dit son ouverture n'est pas qu'affaire de corps. O est comme la créature de Rilke (qui voit l'Ouvert là où l'homme se heurte à un mur de représentations), elle ne pense pas. On ne nous dit pas dans le roman si elle ne pense pas ou si elle ne pense plus, car dès les premières pages il est posé qu'elle est et ne sera qu'un corps.


C'est le titre qui nous indique qu'O n'est pas une simple créature. L'animal n'a pas d'histoire, mais seulement une conscience qu'on tient pour immédiate dans le meilleur des cas. En se faisant histoire, le récit d'O devient celui d'une volonté - celle d'une femme qui décide de n'être réduite qu'à un corps - un corps ouvert, autrement dit un objet érotique.


Dans cette perspective, Histoire d'O ce n'est pas seulement un beau titre, c'est un titre magistral.


Ensuite, le roman lui-même. Ça se gâte un peu. Pour ma part je l'ai découvert jeune, vers 11 ou 12 ans, et bien sûr je ne l'ai lu que d'une main. Le début est assez extraordinaire, elle doit se déshabiller dans la voiture et très rapidement, une fois amenée, elle se retrouve sur un pouf où on lui fait subir les pires outrages. En général je terminais ma besogne à ce moment précis. Pour une raison que j'ignore, à chaque fois que j'éprouvais le besoin de rouvrir le livre, je recommençais au début, ce qui explique que je m'en souvienne bien.


Un jour, j'avais 15 ou 16 ans, je me suis dit qu'il fallait quand même que je le lise en entier.


En vérité le livre est assez chiant. Elle se fait prendre, elle se fait battre, il y a là un type qui l'attache, qui la détache, qui la fouette. Elle est marquée etc. Elle se fait une copine, son mec la refile à un autre qui la baise devant l'autre, enfin bref ça ne décolle pas vraiment. Elle passe de main en main et à la fin on la promène en laisse.


O veut prouver à son amant qu'elle l'aime. Son abandon est une déclaration d'amour. Ça ne ferait pas très plaisir à Simone de Beauvoir, qui a consacré un chapitre (La femme amoureuse) assez critique à ce sujet dans Le Deuxième Sexe. En même temps, une telle critique de la part d'une femme que son mec avait surnommé le "Castor" en référence à l'analogie sonore entre "Beauvoir" et "beaver" (qui signifie "castor" mais pas que...), ça laisse rêveur.


Mérite 6 mais 7 pour le titre.

killer2chiourme
7
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le 15 juil. 2012

Modifiée

le 22 juil. 2012

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