Vous les voyez peut-être le long de la route, au détour d’une départementale, comme parachuté sur un champ ou au milieu d’une forêt, ces fermes ou hameaux qui réunissent deux ou trois habitations, sans rien autour. On se demande toujours pourquoi la présence humaine s’est manifestée là, comment la vie s’organise de manière quasi autarcique, quelle est la motivation de cet esseulement. Est-ce que cette solitude, cette extraction de la vie urbaine est choisie ou subie. Et que se passe-t-il derrière ces murs ? Laurent Mauvignier lève le voile dans Histoires de la nuit paru aux éditions de Minuit.
Patrice Bergogne vit avec Marion, sa femme et Ida, la fille de 10 ans dans un hameau composé de trois maisons : la leur, celle de Christine, une peintre parisienne qui s’est mise au vert et la dernière demeure, inoccupée et en vente. Il entretient de bons rapports avec Christine qui le sollicite un jour pour l’amener à la gendarmerie. Elle reçoit des lettres anonymes qui l’inquiètent. De son côté, Patrice prépare les 40 ans de Marion, veut lui faire plaisir et met les petits plats dans les grands. Christine aussi s’attèle à la tâche mais elle est interrompue par une visite impromptue d’un acheteur de la maison. Etrange qu’elle n’ait pas été prévenue par l’agence…
Waouah ! Quel livre ! Je ne m’attendais pas à trouver le meilleur thriller de 2020 aux éditions de minuit. Difficile pour moi d’expliquer pourquoi dans le détail sans risquer de déflorer les ressorts du livre. L’auteur a composé un roman fleuve de plus de 600 pages, long sans être ennuyeux , avec ses phrases qui s’étirent comme pour bien exprimer le temps qui passe dans ces hameaux perdus où on a l’impression que rien ne se passe justement, où on peut avoir la situation d’être protégé de l’âpreté de la société. Il n’en est rien. Laurent Mauvignier fait passer ses histoires de la nuit de la monotonie à l’inquiétude pour ensuite monter crescendo vers la peur et la torpeur. Les protagonistes qui composent ce huis clos sont parfaitement posés au niveau psychologique. La chronique ne serait pas complète sans souligner la maîtrise parfaite du récit à travers ces phrases à rallonge dont la redondance des mots à quelques détails près campe bien cette langueur voulue. Polardeux habitués à certaines maisons, allez vous aventurer dans l’univers de Laurent Mauvignier et je vous y promets surprise et plaisir de lecture.
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