Un livre qui débute par les traits que l'on devine tirés, éprouvés, et fatigués du narrateur en présence : Karel. Celui-ci initie le lecteur à suivre l’évolution de sa jeune vie d’enfant à sa jeune vie d'adulte.
Ce faisant, l’incipit est brillant et c’est ce qui suit : « Qui a tué mon père (…) car si personne n’a tué mon père, il n’en demeure pas moins qu’il a été assassiné et qu’il a connu une mort aussi violente qu’infamante. » L'auteure pose ici la question centrale du livre : la construction d'une famille, d'enfants face à un père névrosé par la vie et abruti par la drogue.
Cette névrose ne résulte pas du hasard et conduit le lecteur au sein des tréfonds d’une cité Marseillaise. Celle-ci est marquée par un désespoir social tel, qu'il semble corroborer les thèses émanant de Pierre Bourdieu quant au déterminisme social des individus. En l'occurence, l'école qui n'encourage guère à croire au bel avenir, à la sortie de cette spirale négative.
Ainsi, à l’abri des regards, au sein d’un « foyer familial » en perdition et en proie au chaos, Karl Claeys, le chef de famille, le patriarche fait vivre l’enfer à ses trois enfants : Karel, Hendricka et Mohand. La situation est d’autant critique que le dernier cristallise le plus la haine paternelle. De pater il n’existe bien là que les gènes, et la semence placée dans le creux de sa femme, Loubna, qui brille, elle par son absence ; son absence de ressenti, d’émotions envers ses deux ainés.
Néanmoins face aux difficultés manifeste de son benjamin, elle resplendit dans son rôle de mère, de mère Teresa.
Ainsi ce dernier nommé est vigoureusement rejeté et honni par son géniteur comme dit ci-avant.
Les enfants tentent de survivre face à ce marasme ambiant ou l'on cotoie pèle mêle : drogues, manque d’argent et misère affective.
Ce faisant, ces trois enfants sont écorchés par le tumulte de la vie, par les multiples névroses d’un père raté dont la survivance ne tient qu'a des deals foireux au sein de sa cité, et à une mère qui effectue un travail de damné pour maintenir un semblant de je ne sais quoi
Au fur et à mesure de ses pérégrinations, Karel tente invariablement de s’extirper de cette cité Antonin-Artaud en se rendant au « Passage 50 » au sein d’un camp de gitans qui permet l’évasion certaine d’une vie catastrophée. En ce sens, c'est en se rendant au ban de la société, chez ceux qui sont méprises de tous, y compris par les plus misérables cités que ces trois enfants y trouvent l'amitié, et la chaleur du coeur.
Néanmoins ces moments sont fugaces, et la crainte du tyran familial n'est jamais loin.
De part sa composition sordide, ce livre est une réelle satire tant il permet de dépeindre cette réalité misérabiliste.
Nul besoin d’avoir lu / vu / entendu « Les Misérables » afin d’être dans le thème, et ce livre illustre ô combien la juxtaposition du titre de Victor Hugo aurait pu se retrouver sur ce livre.
Un livre qui évoque aussi et surtout l’histoire de vies brisées par une enfance décadente et dont la quatrième de couverture rappelle : « L’espérance de vie de l’amour c’est huit ans, Pour la haine comptez plutôt vingt. La seule chose qui dure toujours, c’est l’enfance quand elle s’est mal passée »

McGregor42
9
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le 6 août 2020

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