Il n’est pas dans mes habitudes de lire les ouvrages de la rentrée littéraire, mais Philippe Torreton c’est autre chose. C’est une promesse de belles lettres, d’un roman qui ne vire pas à l’autofiction, d’une immersion dans sa sensibilité. Ainsi Jacques à la guerre est un récit qui ne pouvait pas me décevoir et qui m’a permis de voir l’histoire de ce monde, la vie d’un homme qui la traverse avec ses émerveillements et ses désillusions.


Ce Jacques, c’est le narrateur de ce roman. Il nous parle d’abord de son enfance au sein d’une fratrie de quatre enfants. Il y a aussi cette mère pieuse et un père dont il va essayer de se rapprocher. Puis ce sera sa première guerre, celle où les Allemands entrent dans Rouen, celle où les Alliés bombardent et tuent. Cette guerre, il la vit surtout en spectateur, même s’il peut en devenir la victime à tout moment.


Et puis, après l’armistice, son père meurt. Alors Jacques va faire son service militaire. Là, pas de question à se poser, juste les ordres à suivre et à exécuter. C’est cela qu’il faut au jeune homme dont la spécialité est d’amener le carburant aux véhicules militaires. Il s’y plait tellement qu’il s’engage. Quelques mois plus tard, ce sera l’Indochine.


Loin de France, il découvre cet autre monde. Il n’est pas directement dans cette guerre, mais cette fois, il en est acteur. Il n’éprouve pas de haine pour l’ennemi, il constate le ridicule de la situation, et surtout, il évite dès qu’il le peut de porter les armes. Alors il va plus ou moins être exposé aux périls, mais il s’en sortira tout en éprouvant parfois la peur.


Enfin, il y a l’ultime guerre, la guerre intime qui nous guette tous et qui n’est jamais vaincue, celle que Jacques vit dans un lit d’hôpital. Il y attend la mort et voit défiler ses proches. Cette guerre-là pourtant, c’est celle qu’il aborde avec le plus de sérénité. La vie se perd toujours, mais peut-être un destin comme celui de Jacques le conduit vers une mort douce, lui qui a traversé d’autres conflits bien plus radicaux.


Écrit avec une belle plume, des expressions remarquables et des constats sans concessions sur l’absurdité des guerres et leurs conséquences. Ce roman est aussi celui d’un homme qui tente de comprendre ce qu’est un père, ce qu’est une mère et qui va toute sa vie se chercher au travers de ces images fondatrices. D’ailleurs, a-t-il lui-même réussi dans sa vie de père ? C’est dans le regard de son second fils, du peu qu’il lui a transmis que nous en ferons la découverte. Un roman tendre et intransigeant, celui des pères et des fils, qui est une vraie réussite littéraire et humaniste.

Bobkill
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 29 déc. 2018

Critique lue 277 fois

1 j'aime

2 commentaires

Bobkill

Écrit par

Critique lue 277 fois

1
2

Du même critique

Antimanuel d'économie 1
Bobkill
10

L'économie autrement

Avez-vous déjà entendu parler de Bernard Maris ? Certes on ne le voit que trop peu sur les plateaux de télévision, mais cela n'en fait pas pour autant un homme que les médias indiffèrent. Il a écrit...

le 18 déc. 2010

14 j'aime

2

NonNonBâ
Bobkill
10

Touchante NonNonBâ

Je n'avais jusqu'à présent jamais écrit sur une bande-dessinée. Plus encore, je n'avais jamais lu de manga. Aussi, pour cette première, j'avais porté mon attention sur un des maîtres du manga, le...

le 22 déc. 2010

12 j'aime