Je ne suis pas faite pour les romans picaresques.

Pour être tout à fait honnête, je n'ai pas pu le finir. J'en ai lu un bon tiers.

Car le problème avec ce livre, c'est qu'on ne sait pas où on va : c'est assumé, évidemment, c'est même le but. Simplement, au bout de 30 pages, on a compris le concept, et ce qui suit n'a pas de réelle utilité pour la compréhension de l'oeuvre.

Alors oui c'est drôle, et il faut un talent certain pour parvenir à écrire quelque chose d'aussi décousu, je l'admets sans peine. Diderot est une sommité, je suis la première à le dire. Toutefois, très vite, on se lasse de ce roman qui suit le voyage de Jacques et son maître, roman qui a de grandes idées directrices assez rapidement accessibles :
-le pouvoir du dialogue, théâtral, absurde, guidé par l'idée maîtresse du héros : tout est écrit là-haut, le destin est tout tracé (d'où le titre, donc). "Philosophie" simple(iste), qui donne lieu à des situations cocasses et à un comique de répétition. Malheureusement, trop de répétition tue la répétition, comme le dit le vieux sage (si si).
-le bouleversement du temps, des lieux, de l'origine des personnages, du rapport au lecteur, de la place de l'auteur... Bref, un bouleversement complet qui donne lieu à une formidable virevolte et souplesse, on oscille entre dialogues entre Jacques et son maître ou l'auteur (mais est-ce vraiment l'auteur ? N'est-ce pas plutôt le narrateur qui se prétend auteur ?) et le lecteur (qui est personnage, puisqu'en tant que lectrice je ne dialogue pas à proprement parler avec l'auteur-narrateur), entre péripéties, entre histoires racontées par les protagonistes... Dont la fameuse histoire des amours de Jacques, seule chose qui maintient en haleine et qui sera achevée avec le livre.

Voilà ce que je peux dire de Jacques le fataliste. Il me semble ainsi qu'il faut en lire au moins une partie pour saisir tout ce que Diderot introduit de novateur... Simplement, c'est extrêmement redondant, alors malgré le subtil jeu de situations, les mises en abyme, la réflexion philosophique et la dimension parodique, on a qu'une seule envie : que Jacques achève la foutue histoire de ses amours et qu'on en parle plus !
Et si l'oeuvre mérite plus qu'un modeste 5, je serais culottée de lui attribuer plus.
Eggdoll

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

18
2

D'autres avis sur Jacques le fataliste

Jacques le fataliste
Eggdoll
5

Je ne suis pas faite pour les romans picaresques.

Pour être tout à fait honnête, je n'ai pas pu le finir. J'en ai lu un bon tiers. Car le problème avec ce livre, c'est qu'on ne sait pas où on va : c'est assumé, évidemment, c'est même le but...

le 8 déc. 2011

18 j'aime

2

Jacques le fataliste
Leo_Mance
9

Diderot, ce génie.

Pour moi et j'imagine pour beaucoup de jeunes Diderot est simplement un mec qui a écrit une Encyclopédie. Un vieux bonhomme à la mine austère dont je n'ai entendu parler qu'au détour d'une ligne sur...

le 6 juin 2019

13 j'aime

6

Jacques le fataliste
Fatpooper
10

Mais qui est le maître ?

J'ai pris mon pied avec cette lecture. Je ne suis pas un grand lecteur de roman, je ne sais donc pas encore exactement ce qui me branche. Mais au vu de ce que j'ai préféré ces derniers temps, je...

le 2 sept. 2014

10 j'aime

Du même critique

L'Insoutenable Légèreté de l'être
Eggdoll
10

Apologie de Kundera

On a reproché ici même à Kundera de se complaire dans la méta-textualité, de débiter des truismes à la pelle, de faire de la philosophie de comptoir, de ne pas savoir se situer entre littérature et...

le 11 mars 2013

152 j'aime

10

Salò ou les 120 journées de Sodome
Eggdoll
8

Au-delà de la dénonciation : un film à prendre pour ce qu'il est.

Les critiques que j'ai pu lire de Salo présentent surtout le film comme une dénonciation du fascisme, une transposition de Sade brillante, dans un contexte inattendu. Evidemment il y a de ça. Mais ce...

le 6 mai 2012

70 j'aime

7

Les Jeunes Filles
Eggdoll
9

Un livre haïssable

Et je m'étonne que cela ait été si peu souligné. Haïssable, détestable, affreux. Allons, c'est facile à voir. C'est flagrant. Ça m'a crevé les yeux et le cœur. Montherlant est un (pardonnez-moi le...

le 21 mars 2017

49 j'aime

5