Je m'en vais
6.9
Je m'en vais

livre de Jean Echenoz (1999)

"Je m'en vais " est une tranche de vie, une tranche qui serait somme toute assez banale si ce n'était pour ce voyage sur la banquise arctique. En voyant la couverture du livre j'ai pensé que c’était là le point fort du livre mais en fait non, pas vraiment. Il y a bien une expédition, mais Jean Echenoz s'intéresse plus à son personnage dans ses petits travers et ses petits déboires que dans la grande aventure. Ce bouquin est un curieux mélange de portrait intime, d'aventures polaires et de polar décontracté.


Le protagoniste principal est un propriétaire de galerie, qui n'est pas sans talent, mais pas extravagant non plus. C'est un quarantenaire qui souffre du cœur, à tous les sens du terme. Sa santé lui pose des soucis (surtout s'il expose à des températures sub-zéro en milieu hostile). Les femmes l'attirent et lui posent des soucis aussi. Félix Ferrer n'est pas un personnage héroïque, mais il est le héros de sa vie, bravant le froid, bravant les femmes, bravant les escrocs. Il est comme tout le monde, incertain et courageux à la fois. On s'intéresse vite à son histoire.


J'ai adoré le rythme et l'écriture de ce roman. Le narrateur est comme nous, un peu hésitant. Parfois il est le démiurge habituel et tout-puissant, nous livrant les pensées intimes de ses personnages, parfois il observe les événements de manière presque extérieure (du genre " il n'a pas dû avoir de réponse puisqu'il raccroche le téléphone"), et de temps à autre un étonnant "je" narratif apparaît soudain au tournant d'un paragraphe juste parce que... L'écriture est top-notch, entre précision maniaque et décalée (les descriptions des objets, des chambres d’hôtels ou des villes sont très biens) et une gestion amusante des rencontres entre personnages, qui se fait toujours comme par hasard, un hasard très calculé.


J'ai beaucoup aimé la nonchalance de cette narration qui raconte la banalité de la vie de notre galeriste, comme elle décrit les actions d'un tueur froid et manipulateur. Loin du roman policier habituel, le tueur en question semble s'ennuyer ferme, visite quantité d'hôtels barbants comme la pluie, nous fait quand même voyager un peu dans le sud de la France. C'est très marrant cette histoire. Et on apprécie que ce fil fictionnel soit comme rajouté au débat sur les conquêtes amoureuses du héros (c'est lui qui est conquis d'ailleurs, plus que l'inverse).


Un chouette roman, vraiment, qui part d'une rupture, fait un tour d'horizon et semble vouloir nous tenir à l'essentiel d'une vie sans faire de périphrases ni d'analyse. Le style est serré, efficace, et extrêmement coulant, on ne s'ennuie jamais. Je recommande, folks et je vais allez voir plus avant ce qu'on trouve de cet auteur.

nostromo
8
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le 29 avr. 2020

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nostromo

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