Véritable best-seller mondial, récompensé en 2005 par les prix Locus, Hugo et World Fantasy du meilleur premier roman et encensé par la presse, « Jonathan Strange & Mr Norrell » avait attisé depuis longtemps ma curiosité. Cette uchronie nous plonge au cœur de la société anglaise du XIXème siècle, en pleine guerre napoléonienne, où deux magiciens, Mr Norrell et Jonathan Strange, vont restaurer la magie en Angleterre avant de devenir rivaux et prendre des chemins différents qui les mèneront vers les recoins les plus sombres de leur art.
Il est difficile de parler de l’histoire s’en trop en dire tellement la trame de fond paraît simple, mais en revanche, le contenu est si dense que ce roman de 1 150 pages ne nous ennuie jamais et nous étonne à chaque révélation. Susanna Clarke mélange les genres et nous emporte dans un récit où se mêlent le fantastique d’Edgar Poe, le souffle romanesque de Maupassant (désolé Jane Austen, je ne suis qu’un franchouillard qui n’a pas encore lu vos œuvres) et le pouvoir d’immersion des romans historiques. Elle crée une ambiance étrange en introduisant, au sein d’un univers réaliste, cette pratique magique particulière qui, au fil du récit, devient familière et presque anodine pour le lecteur.
Si l’histoire, particulièrement riche, fait déjà beaucoup dans ce pavé littéraire, le monde que l’auteure dépeint au sein de ces nombreuses pages regorge de détails. Outre l’inspiration des contes celtiques et la légende omniprésente du Roi Corbeau, le livre est ponctué de (trop) nombreuses notes de bas de page (qui prennent parfois la page entière) offrant au lecteur l’opportunité de découvrir moult anecdotes, règles et légendes citées par les protagonistes. Si elles sont très intéressantes, il faut tout de même avouer que l’abondance de ces celles-ci peut-être rebutante pour certains et nous sortir un peu trop du récit.
Enfin, si ce roman d’aventure fantastique nous tient en haleine d’un bout à l’autre, c’est également grâce à l’ensemble de ses personnages. Si Strange et Norrell tiennent le devant de la scène et évoluent comme les deux faces d’une même pièce, les nombreux personnages secondaires sont tous plus intéressants les uns que les autres et avancent, eux aussi, souvent par deux, comme pour toujours exposer deux points de vue différents d’une situation — sans pour autant tomber dans le manichéisme.
En somme, « Jonathan Strange & Mr Norrell » est une véritable perle, une lecture indispensable, qui mélange brillamment les influences. Dix ans de dur labeur pour son auteure qui aboutissent à l’un des meilleurs romans contemporains du genre !