La liberté ne se marchande pas elle se prend. Charles Bukowski incarne cet adage à travers ses personnages…à travers son personnage. Pour commencer s’affranchir des codes qu’ils soient moraux (se mettre au ban volontairement «infâme, tu l’es puisque tu pourris tout ») ou écrits (ponctuation toute personnelle sans majuscules) et les fouler aux pieds. Suivre une ligne subversive et irrespectueuse qui lave les yeux et permet de se rendre compte de la médiocrité des règles qui régissent la société. Rester caché dans une solitude imbibé de bière et d’alcools divers derrière une machine à écrire et drapé d’une éthique toute personnelle mais irréprochable faite d’humanité et de dégoût cracher sa colère et ses visions d'une certaine vérité adulée.


Utiliser la pornographie, l’abjection, le vomi, les cramouilles, la merde... tout ça c Le cirque du Buk. Il force le trait tant et plus et fantasme à outrance ses performances sexuelles ou alcooliques.


La vérité du Bukowski empêtré dans son mythe de l’écrivan alcoolique, suicidaire, baiseur et branleur invétéré est sombre car il est un homme, comme il se définit lui-même frigorifié, insensible à la noirceur du Monde qui lui est indifférent (« la réalité, c’est l’horreur, et moi-même je ne fais qu’aggraver cet état de choses. »). Un froid forgé par la violence de son père et l’indifférente bêtise de sa mère. Sa vie brisée dès l’enfance et sans amour n’est pas sans rappeler celle de Ferdinand Bardamu le héros de Louis Ferdinand Céline que le Buk vénère.
(Mort à crédit : https://www.senscritique.com/livre/Mort_a_credit/critique/143188590)


A la lecture de ce journal, de ces chroniques qu’il écrira pour le journal underground de Los Angeles « Open city » à l’âge de 49 ans empreintes de rejet et de nihilisme le lecteur sera heureux de sa normopathie mais aussi, certainement attiré par ce mode de vie libéré de toute chaîne quoique si misérable. Ce journal au même titre que ses écrits autobiographiques (Souvenirs d’un pas grand-chose, le postier…) c’est sa vie, son enfance, ses amis, ses femmes, ses boulots et tous les travers inavouables de la société américaine de la fin des années 1960 toujours actuels au demeurant.
Qu’on le veuille ou non le "dirty old man" (Je trouve le titre anglais moins dégradant) est un personnage attachant que l’on ne prendra jamais en pitié car il en serait offensé. Enfin lorsqu’on posera le livre encore troublé par ces phrases coup de poing, nous serons sans nul doute habité par un immense respect pour Charles Bukowski.


Clivant, pas toujours clair Charles Bukowski a le mérite à travers son théâtre picaresque truculent et humaniste fait de fulgurances et d’aphorismes denses de nous pousser à la réflexion. J’ai donc choisi quelques-uns de ces traits que j’annote (ou pas) ci-dessous :


Ecrivains
« gribouillage imbitable et méprisant de ces gros cons qui vivent sans se soucier du sort du monde, dépourvus qu’ils sont d’esprit ou de courage. »


Parents
« descendant des tribunes, la mère et le père de Jimmy se précipitèrent pour le serrer dans leurs bras. les miens de parents n’étaient pas là. »


Père
« il m’est impossible de t’entretenir pendant que tu écris ces nouvelles idiotes. si encore t’en avais VENDU une seule, ou acquis du METIER, ce serait différent, mais il suffit d’en lire une pour comprendre que t’es NUL. le public ne veut pas de ce genre de CONNERIES. »


Enfants
« il n’y a que Marina, ma petite fille, pour m’illuminer en plein midi, car le soleil, lui, est muet. »


Rire
« c’était l’époque où, réformé sans pension, je vivais à Philadelphie. probablement que je devais baiser cette pute d’un quintal et demi, authentique truie pantagruélique, qui me bousilla – à force de rebondir en tous sens, de suer et de péter – les quatre pieds de mon lit. »


« pour certains écrivains, dont Bukowski, l’illustre insolent, le sexe est sans conteste une tragi-comédie. ce n’est pas parce qu’il m’obsède que j’en fais la matière de mes livres, c’est parce qu’il me permet de vous faire rire et un tout petit peu pleurer, juste entre deux chapitres. »


Fantasme
« on n’avait fait que se beurrer et baiser. »


Réalité
« car, ai-je ajouté, faisons les comptes. on est mi-juillet, et je n’ai pas tiré le moindre petit coup depuis le début de l’année. »


Suicide
« à l’époque, je venais de m’installer dans un studio sur North Kingsley Drive, où je me remettais d’une série d’hémorragies, stomacales et anales ; j’en avais éclaboussé les murs de l’hôpital général du Comté – et, alors que je m’étais vidé de 9 pintes de sang et d’autant de glucose, ils n’avaient pas trouvé mieux comme conseil qu’« un verre de plus et on vous enterre ». est-ce une façon de s’adresser à un suicidaire ?) »


Mohammed ali
« j’arrachai ma médaille, la gardant un temps dans ma main, jusqu’au moment où – sans amertume, sans joie, sans colère et sans d’ailleurs aucune raison explicite – je la jetai dans une bouche d’égout, juste devant un drugstore. »


Pourquoi Mohammed Ali ? Tout simplement parce que lui aussi a foutu sa médaille olympique (c pas rien) à la flotte écœuré qu’il était par le racisme de son pays.


Travailler
« reste qu’aurais-je été capable de me dégoter le plus petit boulot pourri que ça n’aurait été qu’une autre façon de mourir ! »


« le travail, que je lui ai dit, a toujours empêché l’homme de jouir des meilleurs moments de la journée. »


Vache enragée
« — salut, mon vieux, tant qu’ils n’éditeront qu’un Bukowski tous les cinquante ans, j’en viendrai à bout. »


Désabusé
« aussi me suis-je rabattu sur la bière en attendant qu’on largue la bombe. »


Psy
« la première fois, c’est toujours le pied, et je me fous de tout ce qu’on a déjà pu raconter à ce sujet. j’ai obtenu qu’elle garde ses bas et ses talons aiguilles. à chacun ses perversions. dans sa nudité absolue, l’être humain ne me fait pas bander, j’aime qu’on me mystifie. les psy doivent avoir un mot pour ça, mais j’en ai un, tout prêt, pour eux. »


Religion
« et puisque vous avez vos bouquins de philo, votre confesseur, votre prédicateur, votre Monsieur-je-sais-tout, allez voir ailleurs si j’y suis. »


Dieu
« est-ce que je ne trouve pas la vie relativement passionnante alors qu’elle est totalement terrifiante ? bref, cette nuit-là, comme il ne s’est pas encore passé grand-chose, j’observe le monde alentour, tout en mélangeant les alcools – à savoir le whisky, le vin et la bière –, histoire de me défoncer vite fait, mais ça tarde et Dieu n’a toujours pas fait son apparition. »


Pink Floyd
« histoire du mur. de ce mur qui terrorise tant les hommes, non seulement parce qu’il les enferme, mais aussi parce qu’il les coupe de toute relation d’amitié. »


Possessions
« ô, serrures ! (enfoncez-vous dedans, immergez-vous à l’intérieur, collez-vous à elles.) (et quant à tout ce que vous possédez, faites-vous-en des nageoires, des ailes en caoutchouc, ou une bite de rechange dans votre armoire à pharmacie.) »


Pornographie
« les histoires de bordels. particulièrement celle où le client s’allonge à poil dans la baignoire vide, attendant pendant une heure que le laxatif fasse de l’effet à la pute, pour qu’ensuite elle lui vide ses intestins dessus tandis qu’il éjacule jusqu’au plafond. »


Vérité
« — tout ce que tu manges a un trou du cul. comme toi, et comme moi… nous avons tous un trou du cul. même Épingle de Cravate Violette en a un… »


« le sexe ne manque pas d’intérêt, mais il est de moindre importance qu’on ne l’imagine. je m’explique : comparé à la défécation, il fait (physiquement) pâle figure. un homme peut vivre jusqu’à 70 ans sans tirer un coup, mais qu’il ne pose pas sa pêche d’une semaine et le voici qui meurt. »


Ecole / Publicité
« au vrai, bien avant qu’il ait eu ses 12 ans, le mâle américain aura été décervelé par le système scolaire américain, par la famille américaine si castratrice, et par la monstruosité publicitaire américaine. »


Guerre
« mon patron (un simple contremaître, en vérité), jeune coq déplumé de la crête, attendait son ordre de marche pour la 2e Guerre mondiale. eh bien, croyez-vous qu’il craignait pour sa vie ? qu’il méditait sur le sens de cette guerre ? sur son absurdité ? ou encore qu’il se demandait à quoi ça ressemblait de partir en pièces détachées à cause d’un obus de mortier ? »


Lucidité
(je ne lui ai pas dit qu’en son absence pour la guerre quelqu’un se chargerait de ramoner sa femme, et que s’il n’en revenait pas, elle s’adapterait à la nouvelle situation en mettant son CORPS EN VENTE, et le reste également.)


Courage
« seul compte le courage de l’homme qui pense »


Sexe
"le sexe est parfois un goulag."


Et tant d’autres…
Voilà qui clôt ce petit bla bla bla et si avec tout ça vous n’avez pas envie de lire Bukowski c’est que vous avez mieux à faire.

SombreLune
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le 13 avr. 2020

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