Lettre à mes idoles

Je crois que vous m'avez beaucoup faite grandir. Je crois que grâce à vous j'ai grandi.
Je me dis que vous êtes mes repères. Je ne vis parfois plus que dans l'idée de vous ressembler. Je me dis « je vais discrètement devenir eux ». Je me dis : si elle a réussi, alors moi aussi je peux être mon rêve.

Si j'ai l'impression de n'avancer nulle part et si je doute sans m'arrêter alors je plonge sous l'eau et je n'y entends plus rien sauf les chants ou les cris des baleines et c'est reposant.
Je veux dire : la fiction.
Je regarde un film. Je regarde J'ai tué ma mère et je me dis qu'il m'a observée toute mon enfance et que c'est inspiré de moi en fait ce film, mais personne ne le sait. Je regarde une peinture. Je regarde des tissus bleus du satin des paillettes oranges des robes et des fourrures qui me perdent. Je lis un poème je lis Sylvia Plath je ne comprends rien mais je vois mille images et je crois que plus je te lis et plus je te transforme pour avoir l'impression que tu les as écris pour moi. J'écoute une chanson j'entends les paroles et j'imagine qu'on me les chuchote et que personne d'autre ne les entendra.
Je danse. Je lis du théâtre.

Je ne veux jamais d'un mot écrit signé sur une feuille ni d'une photo où vous me tiendriez dans vos bras avec recul : j'aurais voulu être votre amie d'enfance. J'aurais voulu vous rencontrer parce-qu'on irait souvent dans le même vieux café vide où le café n'est même pas bon.
Je grandis, j'ai dix-neuf ans et parfois je me sens accrochée là parce-que j'ai trop peur de faire un choix que vous n'approuveriez pas. J'ai l'impression que j'ai besoin que vous me disiez que je vais dans le bon sens, et que ce que j'ai écrit de théâtre c'est magnifique. Je crois que je n'arrive pas à apprécier ce que j'ai écrit tant que ceux que j'admire ne me l'ont pas autorisé. J'ai la sensation d'avoir besoin de vos retours, et que rien n'est réel si vous ne l'avez pas lu.
Je fais le rêve que vous veniez chez moi prendre le thé par exemple, que vous me parliez, affalé dans mon canapé comme si c'était normal d'être là, et j'entends votre voix qui me parle à moi et je n'ose rien vous répondre parce-que j'ai peur que ce soit ridicule ce que j'ai à dire, et que vous ne m'appréciez plus. Et que vous repartiez pour toujours dans le monde des inaccessibles et de mes amis imaginaires.

Je crois que si vous mourez je pleurerais beaucoup et j'aurais l'impression d'être un peu morte aussi.
J'espère que vous ne mourrez pas.
Louise

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