Premier livre de Despentes que je lis.


Cela fait quelques temps que je m'intéresse un peu plus sérieusement à la question féminine et, comme certains garçons, j'ai le sentiment que c'est pour trouver des réponses à nos comportement, à ceux de nos congénères testiculopèdes, des clés pour comprendre ceux-ci.


Je ne sais pas si King Kong théorie est une bonne manière de procéder. Auparavant, j'avais lu quelques bouquins sur le sujet, comme l'assez mauvais "La domination masculine" ou encore le très intéressant mais franchement complexe "Masculin/Feminin" de Françoise Héritier, pour n'en citer que deux. Ces livres partagent le fait d'être ou de se vouloir des bouquins intellectuels, c'est à dire des tentatives scientifiques de dessication de faits sociaux afin de les réhydrater par la suite et donner corps par leur re-fabrication auxdits faits sociaux.


King Kong théorie, ça ressemble beaucoup plus à une grande mandale dans la tronche, un livre direct, qui parle quelque part et au cerveau et aux affects.


J'ai le plus grand mal à écrire sur le sujet. Mais en tous les cas, ce livre m'a permis de mettre au jour ou à jour certaines choses particulièrement intéressantes, qui me touchent soit moi personnellement en tant que garçon, soit des amies en tant que filles.


C'est par ailleurs, malgré ce qu'en disent certains, un des mérites du bouquin : pouvoir faire en sorte de ne se faire affronter stupidement les intérêts des uns et des autres mais bien de trouver des intérêts communs. Mais qu'on se le dise, il ne s'agit pas d'une porte de sortie facile pour les mecs, pas une petite chausse-trappe fabriquée afin de ne pas trop les brusquer. L'entente de ne se fera qu'au prix d'une redoutable et radicale remise en question, que la plupart d'entre nous, ai-je l'impression, ne sommes pas encore capables de faire.


Déjà, et c'est pour moi une des leçons du livre, c'est de mettre les mots, et les vrais, sur les choses. Despentes n'y va pas avec le dos de la petite cuiller comme on dit, et c'est tant mieux. Il faut savoir, comme c'est le cas dans certains discours un tant soit peu médiatisés, pouvoir dire ce que c'est le viol, et ne pas s'en tenir aux définitions légales, qui ne représentent que la définition dominante d'une société à un instant donné d'un fait. Et même, mais je digresse, ce sont des définitions assez arriérées qui ont pour intérêts de protéger ceux qui en ont besoin. Les exemples sont innombrables. On peut également dire qu'il y a une sorte de division sectoriel du viol, entendu comme violence, en parlant de harcèlement, attouchements, etc. 50 nuances de porc.


De manière plus personnelle, cela m'a radicalement remis en face de la lucarne certains comportement que j'ai pu avoir et certaines pensées que j'ai pu avoir. C'est quelque chose qu'il est très difficile d'exprimer publiquement sur un site comme sens critique, mais cette violence là est je pense nécessaire afin de pouvoir atteindre une certaine compréhension d'un sujet. D'autant que quand on est, par son sexe même, et les "habitus" qui le concernent, acteur majeur, qu'on le veuille ou non, d'une domination, il faut savoir avec énergie s'extirper de son confort bourgeois afin d'adopter des vues auxquelles on n'est pas habitués.


En bref, je crois que cette violence là, mais aussi cette lucidité désarmante, et pas spécialement polémique pour peu qu'on ait un minimum de bonne foi intellectuelle, qui m'a plu.


Despentes décroche des uppercut, mais elle le fait avec brio. C'est un peu comme se faire casser la tête par un ou une génie d'un sport de combat, il y a toujours une leçon à chiper, même si le constat est amer.


M'enfin, il ne s'agit pas non ^plus de tomber dans une sorte de victimisation stérile. Il faut prendre à bras le corps les arguments, et je crois que c'est écrit avec une si grande finesse d'analyse, qu'on ne doit qu'accepter et tenter de décortiquer ce qui, chez nous, fait qu'on arrive à ce type de texte ouf.


Despentes ne s'arrête d'ailleurs pas à l'hypocrisie générale qui entoure la question des femmes, elle aborde aussi la notion de virilité chez l'homme, et c'est très intéressant.


Ce court essai, ciselé, percutant, intelligent, est une lecture indispensable, une ouverture lumineuse pour les femmes et les hommes qui souhaitent réfléchir sur leurs conditions respectives (et souvent similaires, notamment du point de vu économique, à ceci près que c'est plus dur encore pour une femme) et tenter de faire éclater ce carcan séculaire.

batche
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le 31 oct. 2019

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