Comment bien commencer son livre ? Ellroy l’a parfaitement compris, en débutant par… la fin de son précédent ouvrage, l’excellent Le Grand Nulle Part. Plutôt original non ?
LA Confidential est donc la « suite » du Grand Nulle Part, et fait partie de ce qu’on appelle son quatuor de Los Angeles, qui débute avec son ouvrage le plus connu, le Dalhia Noir et se termine par White Jazz. Ainsi dans cette série de roman l’action se passe au même endroit, à Los Angeles, et dans un cadre narratif assez tenu, les années 50, en suivant une chronologie propre entre les différentes aventures, l’une suivant l’autre me semble-t-il. De plus, dans chacun des ouvrages on retrouve des personnages faisant le lien entre les histoires, notamment avec notre fameux Dudley Smith personnage récurrent.


Le point de départ de l’histoire est un massacre dans un bar d’un quartier de Los Angeles, appelé Massacre du Hiboux de nuit en référence à son lieu, où 6 personnes sont abattus froidement. Mais les enquêteurs chargés de l’affaire vont bien vite se rendre compte que celle-ci n’est pas aussi simple qu’elle n’y parait, que de nombreuses ramifications apparaissent et que d’autres crimes pourraient bien être mis en relation avec cet incident …
Bon je préfère ne pas trop en dire pour ne pas risquer de dévoiler certains éléments du livre, cela serait bête de gâcher la surprise …

Par contre, je peux au moins dire que l’histoire, qui commence doucement, qui part un peu dans tous les sens à certains moments, et qui montre bien que nos enquêteurs ne sont pas des surhommes, des supers flics, on les voit donc galérer, se perdre, baisser les bras, mais le scénario gagne en puissance au fur et à mesure des pages, et quand on découvre les multiples intrigues, pour atteindre un summum de tension et de révélations, et c’est bien ça le plus important. Une histoire riche, très riche, et en tout cas je m’en suis rendu compte, beaucoup plus que l’adaptation cinématographique, qui, format oblige, a dû laisser des pans entiers du livre de côté, d’où une lecture pas accessoire du tout.

La tentative de résolution de cette enquête va être l’occasion d’introduire pour Ellroy trois personnages principaux chacun haut en couleurs et assez bien écrit. Entre le jeune gradé aux dents longues Ed Exley fils d’un ancien ponte de la police et bourré d’ambition, en passant par Jack Vincennes dit la Poubelle flic des Stups spécialiste des arrestations médiatisées et gardant en lui un lourd secret, en enfin en terminant par Bud White le modèle de la grosse brute aimant particulièrement rosser les hommes violents envers les femmes. Tout ce petit monde ne s’aime pas, c’est le cas de le dire vous le verrez, mais ils vont devoir mettre leurs inimitiés de côtés si ils veulent résoudre l’enquête, ce qui ne se fera pas sans mal.


Ce qu’il y a d’intéressant avec Ellroy, qui est bien entendu un auteur de polar, est que contrairement à beaucoup de ses collègues écrivains de romans noir, est qu’il ne se concentre pas seulement sur la traque bête et méchante d’un tueur (sans côté péjoratif) mais profite surtout de son histoire pour installer une véritable ambiance pendant la lecture de son bouquin, et quelle ambiance non de dieu ! Comme pendant la lecture du Grand Nulle j’ai été véritablement happé, captivé par le livre, c’est tout simple, on se croirait littéralement dans l’univers présenté sous nos yeux, un peu comme film qui peut nous transporter de part ce qu’il propose à l’écran. Ceci tient bien évidemment par la plume de James Ellroy, vraiment atypique, je me souviens à avoir eu du mal à accrocher au départ que cela soit pendant le Dalhia Noir ou Lune Sanglante, qui fait très argotique, constitué de termes que l’on pourrait dire d’époque et de lieu, peut-être un peu brouillon et trop touffu pour certains, mais tout cela lui donne véritablement un style littéraire propre, qui personnellement m’a conquis.

De plus, Ellroy a introduit dans LA Confidential des procédés qui améliorent l’immersion et qui donnent un côté encore plus vraisemblable à l’histoire, que cela soit la présence d’articles de différents journaux ayant trait à des évènements de l’enquête en cours ou aussi la transcription de rapports de police internes sur les différents protagonistes, cela aide aussi à varier le style d’écriture.

Pour revenir sur l’ambiance, elle est ici poisseuse, sombre, sale, mature, profondément déprimée et pessimiste. Il n’y a pas dans le livre d’Ellroy de bons ou de méchants, de camps du bien ou du mal, ici, tout le monde, ou quasiment, est ambivalent (tendance vers le pourri tout de même héhé), les flics se comportent de façon amorale, parfois pire que les gangsters, les intrigues politiques sont présentes, les médias ont un rôle quelque peu discutable, les grands hommes ne sont pas si recommandables que cela, bref, il n’y a pas à chipoter, ça pue un peu dans le Los Angeles des années 50.

Pour conclure, je conseillerais ce livre à tous ceux qui aiment James Ellroy et qui n’ont pas encore découvert celui-ci, à ceux qui ont aimé le film qui reste plutôt de bonne facture, en enfin à ceux pour qui ma critique aura donné envie de lire cet ouvrage (hi hi), car nous sommes ici en présence du top du top du polar bien noir. Vous aimez les livres à ambiance ? Alors ne cherchez pas, craquez.


PS : Si je devais hiérarchiser les différents ouvrages composants son quatuor de Los Angeles, je placerais LA Confidential devant le Dalhia Noir mais dernière Le Grand Nulle Part qui est pour moi son Chef d’œuvre, en attendant évidemment de lire White Jazz sous peu ….

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le 25 mars 2014

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