Sans se voiler le face, il faut se le dire : malgré le génie de Lovecraft, il existe une indéniable constance dans ses histoires de terreur. On prend un héros masculin d'âge moyen, cultivé, et bientôt pris au piège par les phénomènes auxquels il est confronté, puis on rajoute des descriptions censées provoquer la peur (à savoir des écritures inconnues, des odeurs nauséabondes, des architectures bizarres...), et on mêle tout ceci à la mythologie inventée par Lovecraft. Aucune recette secrète dans son œuvre, vous conviendrez. Mais dans ce cas, pourquoi accorder du crédit à un type qui nous sert toujours le même plat, juste parce qu'il est considéré comme "culte" par toute une génération de geeks ?

Parfois, il m'est arrivé de penser ainsi. La dernière fois, c'était juste avant de commencer ce livre, "L'Affaire Charles Dexter Ward". Il n'était pas question ici de lever le nez sur quelque chose qui ne me plaisait pas, mais je dois l'avouer : oui, je reviens régulièrement à Lovecraft, par période pour éviter l'indigestion.
On a donc ici un roman, ce qui est plutôt inhabituel vu que le bonhomme écrivait le plus souvent des nouvelles. La recette précédemment décrite est mise en place avec brio. Le style est le plus souvent descriptif, ce qui amène à des phrases super longues, pas franchement faciles à suivre.

Pourtant, l'effet est là : la Peur nous prend au bide. Malgré une probabilité forte de trouver l'œuvre de Lovecraft prévisible, on est toujours surpris de lever les yeux du livre, et de se sentir observé.
La mise en abime au début du livre, quand le narrateur relate des évènements qui se sont déroulés dans le passé, nous offre une certaine dimension assez réaliste, grâce à la collecte de nombreux témoignages. La scène dans la crypte est un petit bijou de terreur. La mythologie accompagne un tout pourtant cohérent.

Malgré tous les reproches qu'on pourra faire à Lovecraft, je ne peux me fier qu'à moi-même : le petit frisson et la sensation d'être épié me prouve simplement que Lovecraft a toutes ses raisons de résider au panthéon des auteurs d'épouvante.
Yoth
7
Écrit par

Créée

le 21 déc. 2010

Critique lue 1.9K fois

19 j'aime

2 commentaires

Yoth

Écrit par

Critique lue 1.9K fois

19
2

D'autres avis sur L'Affaire Charles Dexter Ward

L'Affaire Charles Dexter Ward
Yoth
7

Y'AI'NG'NGAH, YOG-SOTHOTH...

Sans se voiler le face, il faut se le dire : malgré le génie de Lovecraft, il existe une indéniable constance dans ses histoires de terreur. On prend un héros masculin d'âge moyen, cultivé,...

Par

le 21 déc. 2010

19 j'aime

2

L'Affaire Charles Dexter Ward
QuennyTea
8

L'inquiétant étranger.

Je ne sais pas si Lovecraft avait connaissance des travaux de ce cher Sigmund, en tous les cas il nous offre une belle illustration de son concept d'inquiétant familier. Dans cette nouvelle la...

le 28 janv. 2015

15 j'aime

9

L'Affaire Charles Dexter Ward
JasonMoraw
6

Ashes of Lovecraft

Échappé de Salem lors de la grande chasse aux sorciers du XVllle siècle, Joseph Curwen vint s'établir à Providence où il mourut en 1771. La découverte de sa tombe par son descendant, Charles Dexter...

le 22 août 2020

11 j'aime

11

Du même critique

Evil Dead
Yoth
8

De la pâte à modeler en Stop Motion ?

Je n'étais pas encore né à l'aube des années 80, ce qui me laissera sans doute quelques regrets épars, mais je peux me permettre d'imaginer quels étaient les rapports entre les films...

Par

le 29 oct. 2011

44 j'aime

2

Moon Safari
Yoth
9

De la bonne utilisation du vocoder

La première écoute de "Moon Safari" fut pour moi le moment de réaliser qu'il ne faut jamais s'arrêter aux apparences. Ici, c'est le côté bobo qui suintait de ce groupe que je fuyais comme la...

Par

le 24 déc. 2011

37 j'aime

2

Selected Ambient Works 85–92
Yoth
9

La musique du futur est née en 1992

        Avec cette compilation, considérée comme un véritable album au fil du temps, Richard D. James (ou alors son alter ego, Aphex Twin) se place en plein milieu de deux univers. D'un côté, la...

Par

le 21 févr. 2013

36 j'aime

2