À travers cette poignante histoire d'un chien < descendant du loup, comme tous les chiens > qui retrouve progressivement ses instincts de loup, Jack London nous présente bien plus qu'un portrait canin.
Une à une, les empreintes superficielles de la civilisation s’effaçaient de son être, et l’animal primitif s’affirmait énergiquement.
En effet, si le comportement et le point de vue du Canis lupus familiaris servent d'axe au contenu narratif, on oublie vite cette perspective : les péripéties de Buck deviennent celles d'un être doué d'intelligence, sujet aux émotions et capable de ressentir la souffrance.
Pour eux, l’homme est le seul animal capable de raisonner. Cette affirmation, qui n’a rien de moderne, fait sourire le savant du XXe siècle. Elle appartient au Moyen Âge. Les deux alliés en la mettant en avant se montrent homocentriques au même titre que les pédants des époques lointaines et ignorantes. (Jack London)
Au-delà de la volonté de l'écrivain américain de défendre la cause du chien, L'Appel de la forêt dresse un formidable portrait des natures : celle du « meilleur ami de l'Homme », celle de ce même Homme, et celle, avec un grand N, de la grande ordonnatrice, cette Nature qui enserre et façonne humains et bêtes dans un même élan majestueux et pathétique.
L'Appel de la Forêt, c'est aussi une chronique de ce moment de l'histoire nord-américaine qu'est la ruée vers l'or, ruée à laquelle participa l'auteur qui d'ailleurs ne dénonce pas la convoitise et la fièvre < ce qui fait de la présence de l'horrible personnage joué par Dan Stevens (dans la dernière adaptation cinématographique) une grossière erreur > mais en fait 'juste' un autre théâtre où se télescopent infailliblement l'instinct et la raison, l'amour et la haine, la soumission et la révolte...
On pourrait regretter que la partie consacrée à un des nouveaux maîtres de Buck (« le métis écossais ») soit plus fade, mais peut-être est-ce délibéré : afin que le sort de l'attelage tombé ensuite aux mains de cruels ignorants soit mis en relief (puis contraste à son tour avec le bonheur en compagnie de Thornton).
Fier d'avoir tué des Hommes, le plus noble des gibiers
Trop facilement cantonné à la catégorie « littérature jeunesse », L'Appel de la forêt et son exaltation de la liberté s'adressent en fait à chacun d'entre nous.