Le petit manuel du journaliste/politicien/avocat

Traité du plus déprimé et déprimant des philosophe, le titre se suffisant à lui même, Arthur Schopenhauer propose à son public 38 stratagèmes pour apprendre "L'Art d'avoir toujours raison". Que peut on dire après cela ? Que la dialectique pour Schopenhauer n'a donc aucun lien avec la vérité objective des énoncés, mais ne sert qu'à convaincre l'autre, indépendamment du fait que l'on ait raison ou tord. Et d'ailleurs, Schopenhauer souligne, avec encore son cynisme caractéristique, qu'il est presque impossible de voir qui a raison ou tord tant on se limite à la forme de l'argumentation et non à son fond. Se voyant comme un maître d'arme, le rival de Hegel propose 38 techniques permettant de vaincre son adversaire, bien souvent en public afin de lui faire gouter l’humiliation profonde de son ridicule manque de capacité oratoire.

Ce livre s'impose donc comme une bible pour tous les avocats, politiciens et autres journalistes qui se respectent. Non pas forcément avec de mauvaises intentions comme faire passer le faux pour le vrais, mais simplement pour convaincre avec plus de facilité "d'évidence" que si l'on suivait un raisonnement. Comprendre ces stratagèmes et les appliquer devient donc l'objectif de n'importe quel personne dont le travail est de convaincre les non-connaisseurs.
On se plaira à voir également dans ce livre une sorte d'héritage d'Aristote, même si plus d'une fois Schopenhauer souhaite corriger le philosophe grec. Nous noterons également plusieurs réflexions, certes légères, mais intéressantes sur la notion de dialectique, et le point de vue de Schopenhauer, en contradiction total avec celui d'Hegel.

Enfin, il serait idiot de penser que Schopenhauer est un de ces mécréants qui pense que l'on peut parler de tout, que les conversations ne servent qu'à jouir de notre égocentrisme. Non, pour Schopenhauer, ces 38 stratagèmes n'ont aucune utilités pour les philosophes, les sages, car ils recherchent la vérité. Ce qu'il a donc enseigné dans ce traité n'est qu'amusement et d'une utilité purement pratique pour les fourbes menteurs.
Je conclurai donc avec une citation : "La seule parade infaillible est donc celle déjà recommandée par Aristote au dernier chapitre des topiques : ne pas s'engager dans une controverse avec le premier venu, mais seulement avec ceux que l'on connait et dont on sait qu'ils ont assez de raison pour ne pas étaler au jour des absurdités et se rendre ainsi ridicule; afin de discuter au moyen de bonnes raisons, et non à coup de rodomontades; afin d'écouter ces raisons et de leur répliquer; et de qui l'on sait enfin, qu'ils font grand cas de la vérité, qu'ils aiment entendre de bonnes raisons, même dans la bouche de leur adversaire, et ont assez le sens de la justice pour pouvoir admettre de perdre la partie, si la vérité est dans l'autre camp".