✩ Sélection décembre jury Grand Prix des lectrices ELLE 2020 ✩


Honnêtement, en tant que nihiliste tendance collapsologue, quand j'ai vu le titre sur la liste des pré-sélections, j'ai espéré fort fort qu'il n'en sorte pas vainqueur...


Autant vous dire que j'étais pas trop jouasse de le voir dans la sélection finale pour décembre...


Poussée par un sens inné et désespéré du devoir , j'ai rassemblé le plus de bonne volonté dont j'étais capable pour un mois de décembre et me suis lancée à l'assaut des 300 pages de cet ouvrage et vous voulez savoir quoi ?


Ben je suis toujours pas trop jouasse.


Le sujet est évidemment d'une actualité brûlante, c'est le cas de le dire, à savoir le réchauffement climatique et la responsabilité exclusive de l'humanité dans le désastre à venir.


Alors qu'est-ce qu'on fait maintenant ?


C'est à cette question que Jonathan Safran Foer, qui avait déjà sévi avec son "Faut-il manger les animaux", tente de répondre... non sans mal.


Le premier problème selon moi, c'est la construction du livre et l'absence de choix de l'auteur quant à la nature de son texte: tour à tour documentaire, recueil de données statistiques, journal autobiographique, essai philosophique... on s'y perd un peu.


Ce mélange des genres révèle déjà en soi une certaine confusion qui entrave le travail de conviction.


Au surplus, et sur le fond, le livre souffre de nombreuses répétitions, redites, reformulations qui finissent par devenir salement lassantes.


Convaincre, ce n'est ressasser un refrain à l'envi.


A titre d'exemple, dans son premier chapitre, Safran Foer expose la thèse suivante: le sujet de l'extinction de l'humanité du fait du réchauffement climatique est tellement choquant que même si l'on SAIT ce qui se passe, notre esprit, comme face à un trauma, se protège, et refuse d'y CROIRE.


Moi je trouve ça intéressant, vraiment.


Le problème c'est qu'il enchaîne 80 longues pages d'illustrations historiques (invoquant notamment la paralysie de la communauté internationale qui a suivi les premiers témoignages des exactions nazies) et que ça va, on avait compris au bout de 20 pages ce qu'il voulait dire.


Et puis à un moment, à force de répéter qu'il est normal de ne pas croire à ce qui se passe, et ben on finit par croire qu'il est normal de ne pas croire à ce qui se passe...


Ironique non?


Et puis l'auteur d'écrire: "Il existe une forme de déni de la science bien plus pernicieuse: celle qui prend la forme d'une acceptation. Ceux d'entre nous qui savons ce qui se passe mais qui agissons bien trop peu à ce sujet méritons davantage la colère".


Or, ce qui semble plaire dans ce livre, c'est justement le fait que Safran Foer ne "culpabilise pas les gens", qu'il expose ses doutes, notamment dans un pseudo échange avec sa conscience un peu gênante à lire en ce qui me concerne, qu'il cajole, qu'il fait pleurer en invoquant sa défunte mamie...


Alors c'est bien gentil tout ça mais au final, il reste 20 pages de données concrètes et de gestes quotidiens de nature à modifier le cours de choses, lesquelles consistent à revoir dans les grandes largeurs nos exigences en terme de confort et à cesser de manger "de la meeeerrrrdddeee" (Jean-Pierre Coffe in Jean-Pierre Coffe)


20 pages... sur 300... c'est peu.


Alors très honnêtement, il y a du bon dans ce livre, mais tout est trop dilué, ça rend le propos confus, ça rend l'urgence tolérable, de sorte que, plutôt que d'acheter le livre, allez lire l'article que l'auteur a publié dans America, le 11 je crois, dont le nombre de page semble beaucoup plus raisonnable et efficace.

Chatlala
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le 20 déc. 2019

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Chatlala

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