L'Écume des jours
7.5
L'Écume des jours

livre de Boris Vian (1947)

D'une façon ou d'une autre, vous allez la sentir passer.

C'est une bien étrange lecture que celle-ci, et gare à vous si l'on ne vous a pas prévenu au sujet des registres dans lesquels elle s'inscrit. Il faut renoncer, à l'entrée de l'Écume des jours, à tout désir de narration traditionnelle, et même à toute attente à ce sujet. Vian a semble-t-il pris un malin plaisir, dans un mélange de drame, de fantastique et d'absurde, à créer de violents paradoxes qui en dérouteront plus d'un dans les premières pages.


Le livre pourrait aisément être scindé en deux parties, dont la première a consisté pour moi en une période d'acclimatation difficile. L'Écume des jours m'a d'abord donné la sensation d'un joyeux et incessant bordel au sein duquel s'enchainent brusquement les diverses scènettes qui vont mener à la première véritable péripétie du récit. C'est là qu'un changement de paradigme s'opère, parce que de la frivolité à la gravité, de la légèreté au drame, de l'insouciance au poids des maux de la vie, l'expérience du lecteur change avec le monde de Colin. J'en retiens ces quelques moments de grâce au travers desquels Vian est capable de restituer en quelques lignes toute la puissance du vécu de ses personnages, l'air de rien.



Colin prit le livre et le regarda, mais il ne voyait pas les pages. Il voyait les yeux d'Alise, à son mariage, et le regard d'émerveillement triste qu'elle jetait sur la robe de Chloé ; mais Chick ne pouvait pas comprendre. Les yeux de Chick n'allaient jamais si haut.



On peut ne pas être réceptif à cet ovni - c'est mon cas - mais on ne saurait rester insensible à la déferlante qu'il prépare et abat tant sur ses personnages que sur son lecteur. Brutales péripéties, brutale lecture. Ne reste en effet, à la fin, que l'écume de jours plus heureux, et la sensation de s'être fait renverser par la vague. À l'instar de Colin, on arrive au terme de son histoire sans trop comprendre comment ni pourquoi, parfois au prix d'une violence qui s'épanouit dans l'indifférence la plus totale.


On m'avait promis un bousculement émotionnel fort. J'en tire un d'un autre genre, plus détaché peut-être, mais pas moins intéressant.

Vanille_Cm
6
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le 15 juin 2019

Critique lue 116 fois

Vanille_Cm

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