Dans l'espace, personne ne vous entendra larmoyer.

Quelle meilleure manière de vendre un roman de science-fiction à un fan du genre que de comparer ledit roman à la série Firefly de Josh Whedon ? 
« L'espace d'un An » de Becky Chambers, auteure américaine dont c'est le premier roman, nous propose donc de suivre pendant un an, l'équipage du Voyageur, vaisseau dont la mission est de forer des trous de vers à travers la galaxie. La différence avec Firefly est que l'équipage se compose ici de plusieurs espèces extra-terrestres qui devront cohabiter malgré des différences physiques et culturelles parfois immenses.
Nous sommes ici face à une science-fiction profondément humaniste, qui dépeints les êtres, vivants (humains ou non) sous leurs meilleurs jours et ce même si la plupart des membres du Voyageur ont un passé bien chargé.
Comme on ne change pas une recette qui marche, les notions les plus complexes de cet univers vont nous être expliquées via le sempiternel nouvel arrivant (une arrivante ici) qui va devoir découvrir et comprendre cet équipage bigarré en même temps que le lecteur. Le procédé est toujours aussi efficace et l'immersion dans ce nouvel équipage est garanti.
Point de Hard SF ici, même si l'auteure nous réserve quelques réflexions parfois assez vertigineuses sur l'apparition de la vie dans l'univers. Les amateurs de science-fiction exigeante n'auront ainsi pas l'impression de ne lire qu'un roman de mœurs dans l'espace.
Car le problème majeure de « L'espace d'un an » réside justement dans cet exercice périlleux qui consiste à nous raconter une histoire humaine et touchante sans tomber dans la mièvrerie de bas niveau. Et ici le constat est... mitigé.
Si par bien des aspects ce premier roman est un agréable moment de lecture, on ne pourra s’empêcher de regretter quelques fautes de goûts majeures.
Les principaux coupables : les dialogues.
Les personnages de cette histoire sont tous des exemples de noblesse et d'humanité qui n'hésitent pas une seconde à ouvrir leurs cœurs (ou plus) à leurs compagnons. Rien de mal à cela sur le principe, mais on tombe parfois dans la mièvrerie la plus pure. Évidement, un tel constat est subjectif et votre avis se fera en fonction de votre degré de tolérance à la naïveté et aux déclaration larmoyantes.
Mention spéciale à la race des Aandrisks, sûrement les personnages les plus irritables du roman de par leurs mœurs qui se voudraient un appel à la tolérance et à l'acceptation de soi mais qui ressemble surtout à des clichés de hippies enfumés et hyper-moralisateurs.
N'ayons pas peur des mots, on se rapproche parfois dangereusement de la littérature young adult*.
Ceci contraste trop violemment avec l'univers que nous décrit Becky Chambers. Un univers où la guerre gronde et qui semble franchement inégalitaire sur beaucoup d'aspects.
On notera ainsi une conclusion de l'arc politique du roman incroyablement sombre et pessimiste. Après 300 pages d'amour cosmiques et d'amitié (plus forte que la mort de les étoiles), une telle vision cynique du multiculturalisme à de quoi surprendre.
Et rafraîchir du coup. Là où Becky Chambers aurait pu poursuivre dans la voix du politiquement correcte, elle se permet un constat très terre à terre sur les différences culturelles parfois insurmontables entre différentes races spatiales. Les motivations de chacune des parties étant bien posées, on évite ainsi la désignation d'un seul et unique coupable.
Ces quelques défauts mis à part, « L'espace d'un an » reste un roman qui se tient à son concept du début à la fin. L'aventure y est humaniste, belle et inspirante, ce qui tranche avec la production SF récente qui nous donne trop souvent des futurs désespérés et sombres.
Un livre à réserver aux lecteurs qui auraient besoin, l'espace d'une courte année de voyage, de voir l'humanité sous un jour plus ensoleillé.
Et ça, de temps en temps, ça fait du bien.

*Ce qui n'est pas un problème en soit, mais le roman n'étant pas vendu en tant que tel, mieux vaut être prévenu.

paul_darbot
6
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le 11 mars 2017

Critique lue 421 fois

paul_darbot

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