L'Éthique
8.2
L'Éthique

livre de Baruch Spinoza (1677)

Bon... contrairement à ce que je peux claironner ici ou là sur des bouquins comme Ulysse de Joyce, en ce qui concerne l'Ethique, forcément je suis conscient que ça ne se lit pas de but en blanc dans le métro, entre un SMS à Carlotta von Schinzerburg (je te promets, chérie, Baruch c trop dla balle) et une oeillade gourmande à l'autre sexy, là, qui vous mate depuis La Motte Piquet Grenelle.

ET POURTANT...

Ne vous laissez pas tromper par son aspect rébarbatif, Baruch est un petit malin, il veut être sûr que vous ne venez pas ici pour rien. Derrière les axiomes et les scolies, se cache une fête perpétuelle : l'Ethique, c'est un polar à la Chandler, une comédie digne de Lubitsch, une symphonie beethovenienne, et un tableau de Malévitch repeint sous LSD par Basquiat.

L'Ethique, certes, se mérite, mais ce n'est pas non plus du Hegel ou du Heiddeger, hein. Et puis comme je l'ai dit, je pense que cet effort primordial fait entièrement partie du plan machiavéliquement angélique de ce sacré Baruch : une fois qu'on sait pourquoi on lit l'Ethique, on a plus qu'une seule envie : le finir pour pouvoir le relire et comprendre toutes les raisons pour lesquelles on aurait du le découvrir plus vite. Car tout ici est affaire de tractation entre soi et les autres, et partant entre soi et soi : Spinoza tend un miroir pour que le Monde s'y reflète, il l'incline par ici, par là, avec douceur et doigté, afin que l'on comprenne qu'en aucun cas traiter l'autre - ou se traiter soi-même - en ennemi ne pourra résoudre le moindre problème.

Donc, évidemment, il faut un tout petit peu se préparer le terrain avant de faire le grand saut. Moi, c'est grâce à la fougue de Robert Misrahi que j'ai finalement cédé à la tentation d'y aller voir de plus près, une fois l'impression acquise que je savais vaguement de quoi parlait tout ça. L'incroyable travail de Pierre Macherey m'a accompagné, pas à pas, dans ma relecture, et je ne saurais trop conseiller de s'embarquer avec un capitaine aussi intelligent et fin sur l'océan de l'Ethique... Celui-là ou d'autres ! L'important, c'est d'y aller.

Car oui, quoi qu'il en soit, j'ai la faiblesse de croire que de très rares livres, s'ils étaient lus par tous, compris, intégrés, partagés (non pas selon une lecture unique, mais multiple, car personnelle), auraient la capacité d'améliorer le monde. L'Ethique pour moi, est en haut de la pile.
Chaiev
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le 28 nov. 2010

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Chaiev

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