J'ai relu ces derniers temps, après une longue période sans, et la lecture de Camus au milieu de cette reprise m'a apparue comme idéale pour redéfinir ce qui me plaisait, ce que je détestais et ce que j'adorais.
Après être passé par des œuvres impressionnante et touffues, des styles d'une emphase efficace et flatteuse, mais aussi des classiques surcotés, hachés et douloureux, des polars contemporains d'une pauvreté littéraire sans nom,...vient se loger l'étranger que je voulais lire depuis longtemps.
Chez Camus, pas besoin d'effets de manche ampoulés pour créer une ambiance ou un visuel. Son vocabulaire est simple, presque rationnel, et pourtant ils nous emporte dans une réalité transfigurée par son personnage principal. C'est fluide et limpide, on vit au rythme de ses sensations et elle nous apparaissent comme évidentes alors que pourtant nous sommes dans l'ailleurs, tout est transfiguré.
Oui il est question d'absurde mais l'absurde ne concerne finalement que le réel, et si Meursault peut d'abord apparaître comme un être singulier, anormal, c'est bien le monde dans lequel on vit qui figure comme le comble du non sens. Camus réussit à créer la complexité d'un être et de nous plonger dans la particularité de son regard, le tout avec la simplicité d'un conte.
Plus on avance vers l'irrémédiable, plus on fait corps avec la psyché de Mersault, et on vit véritablement les abstractions esquissées par son trouble. Jamais je ne me serais aussi bien figuré ce que je pourrais ressentir face à cet arrêt programmé.
Cet esprit qui nous paraissait si entravé, nous permet finalement d'approcher des zones inconnues de part sa propre sorte de liberté. C'est en soi une célébration de la singularité, de l'existentialisme, et une interrogation indirecte sur la guillotine, qui tue "avec un peu de honte et beaucoup de précision".