L'Être et l'Essence par Josh_Athanase

Être, essence, substance, étant, existence, οὐσία, esse, quiddité, nature... Quelle est la différence entre tous ces termes ? L'être est-il l'essence ? Qu'est-ce que le néant ? L'existence est-elle antérieure à l'essence ? Qu'est-ce que le changement ? Autant de questions de la philosophie première auxquelles s'efforce de répondre Étienne Gilson en retraçant les différents courants de pensée initiées (ou repris) par Aristote, Platon, Averroès, Saint Thomas, Descartes, Wolff, Kant, Kierkegaard, Hegel etc.

Est-ce que j'ai tout compris ? Assurément non... Est-ce que pour autant c'est gênant ? Je ne crois pas... Mais c'est vraiment passionnant, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'on s'intéresse à une branche de la philosophie qui est au cœur de la pensée et de ce que l'on est (d'où le nom de philosophie première). On est à un niveau suprême d'abstraction et en même temps au centre du réel.

Il s'agit ensuite de pensées extrêmement difficiles à formuler et qui mettent le langage à l'épreuve. On arrive aux limites du langage : les mots doivent être (re)définis, et certains doivent même être empruntés à d'autres langues (esse, οὐσία, Dasein). On ressent alors une impression assez incroyable à la lecture : le bonheur de voir formulées des pensées pas forcément très complexes, mais tellement fondamentales et difficiles, qu'on a le sentiment qu'elles dépassent les mots qui les expriment. L'écriture de Gilson est sur ce point d'une grande qualité ; il arrive à rester d'une grande précision tout en étant également d'une grande clarté.

Par ailleurs, l'approche de Gilson est très efficace : la pensée philosophique y est décrite de manière chronologique (et à la fois logique, puisque les philosophes repartent des idées qui les ont précédés en les critiquant) et on voit son évolution au fil des siècles. Cela permet aussi de s'enfoncer progressivement dans le sujet (j'ai trouvé le début du livre moins ardu que la fin).

Le livre donne donc beaucoup à réfléchir et nécessite quand même un minimum de concentration à sa lecture. Il est à la fois d'une grande richesse et très accessible (mes connaissances en philo sont très basiques), et plusieurs lectures ne seraient à mon avis pas superflues.

Malheureusement, je me sens bien incapable, juste après l'avoir fini, d'expliquer avec rigueur un seul des concepts qui y est développé ou de répondre aux questions posées ci-dessus. Mais ce livre m'a quand-même permis de penser des idées ou des concepts qui ne m'étaient jamais venus à l'esprit, et constitue à mon avis une bonne introduction à la philosophie première et à l'ontologie.

Un bémol cependant, sans-doute dû à la vieille édition que j'avais : des paragraphes entiers sont en latin non traduit (dans les notes de bas de page notamment, mais pas seulement), ce qui est assez frustrant pour qui, comme moi, ne lit pas couramment le latin.