Note : 7.8/10
C'est aussi comme un pamphlet et non comme un simple conte fantastique que le roman de Kivirahk a été accueilli en Estonie. Le pessimisme radical qui contraste avec l'humour du livre, est présent dès le début du roman, mais toujours plus développé et toujours plus sinistre au fur et à mesure que l'on approche de la fin ; c'est ce qui explique la présence permanente d'une violence extrême, inspirée, de l'aveu de l'auteur, par la lecture des sagas scandinaves, mais sans doute aussi par les contes populaires.
" Il n'y a plus personne dans la foret " : c'est la première phrase, et elle revient au moins une dizaine de fois. L'Homme qui savait la langue des serpents est l'histoire d'une solitude irrémédiable, malgré tous les efforts faits pour s'en arracher, et un récit du désenchantement du monde : la réalité sylvestre fantastique, débordante au début du roman, disparaît progressivement, exterminée ( les serpents) ou tombée dans l'oubli (la salamandre). Le roman est surtout une réflexion sur ce c'est qu’être "le dernier des Mohicans", être en retard sur son temps, être en décalage avec le reste du monde.
Cependant ce n'est pas un livre romantique ou s'exprimerait exclusivement la nostalgie de ce qui s'en va. Il souligne juste que pour certains d'entre nous il n'est pas d'autres choix possible que le rejet de la modernité, jamais il ne tombe dans le piège qui consiste à idéaliser le temps jadis, et à mépriser et condamner sans nuance l'ensemble du monde nouveau.