L'ile du Docteur Moreau, ça a été pour moi un petit folio de 212 pages tout droit de sorti de la bibliothèque de la maison familiale, qui ne me marquera pas tellement, je le sens, je l'oublie déjà. D'où cette critique, qui me servira à me rappeler encore et encore cette sensation de malaise constant à la lecture de mon premier bouquin de H.G.Wells.
Premièrement, je tiens à dire que je n'ai rien contre la science-fiction, j'ai adoré La Nuit des Temps, j'aime bien les Terry Pratchet et suis fan de Doctor Who. Donc en voyant la moyenne générale de ce bouquin, je me suis dis que je me ferais incendier en publiant cette critique (ou bien elle passera peut-être inaperçue, ce qui serait un comble).
Bon, pour une première expérience de Wells, ce n'est pas génial, néanmoins je garde l'envie d'en lire d'autre pour voir ce que ça donne, comme la Guerre des Mondes ou la Machine à explorer le temps.
Ce bouquin a comme qualité d'avoir une part d'imprévisible. Bon, on ne va pas faire semblant d'avoir cru que le récit se passerait sur le bateau, le titre étant tout de même L'ile de machin. Mais tout de même, lorsque Prendrick s'enfuie le tout premier soir et se fait poursuivre par pleins de bêtes bizarres, et que Montgomery et Moreau le traquent, on se dit okay, on a affaire à une course poursuite, ça va durer tout le bouquin, qui va gagner ? Eh ben non, cette histoire de fuite est loupée et terminée en quelques 10 pages.
Du coup, un peu plus tard, Pendrick se retrouve dans l'entre des créatures inhumaines, à psalmodier avec elles "C'est la Loi. Ne sommes nous pas des hommes ?", et on imagine qu'il va se mettre à vivre avec elles et à perdre le peu d'humanité qui lui reste. Bah non, encore une fois il retourne avec les Hommes et continue de se démarquer. Il est évident qu'il y a une grande part de fortuit et d'imprévu dans ce roman, et c'est peut être une de ses seules qualités.
Plongés au cœur des résultats d'expériences morbides, injustifiées et immorales, le lecteur (moi?) ne peux tout bonnement pas pénétrer dans le roman et ne faire qu'un avec lui. Elsa Triolet disait que "Le lecteur peut être considéré comme le personnage principal du roman, à égalité avec l'auteur, sans lui, rien ne se fait." Bon bah dans l'Ile du Docteur Moreau, rien ne se fait non plus, et ce n'est certainement pas la faute du lecteur.
Le problème ce n'est pas le caractère immoral de l'œuvre de Moreau, ce n'est pas la vue répugnante de ses créations. Il est que ces créations sont tellement sorties de nulle part, que Wells s'y perds à essayer de nous expliquer le pourquoi du comment. Autant le monstre du Dr Frankenstein est assemblé de chairs mortes, qu'il ramène à la vie par je ne sais quelles entourloupes scientifiques, autant les montres mi-humains mi-animaux de Moreau ne sont pas concevables, de par l'absence d'exposé de l'auteur.
Une chimère, possédant le buste du Lion, le corps de la Chèvre et le derrière du Dragon, est parfaitement imaginable, c'est une superposition –burlesque parfois- de plusieurs éléments concevables. Mais une créature mi-humaine mi-animale, comme un homme-porc, c'est totalement délirant. Je ne soutiens absolument pas ces thèses spécistes qui continuent de dire qu'il y a une différence de nature et non de degrés entre l'Homme et l'Animal. Il est certain que certaines fonctions cognitives de l'Homme sont retrouvées chez le Cochon, et que le plus brillant des Chimpanzés n'est pas si loin du plus bête des Hommes, aurait dit Marx. Mais sérieusement, un homme-porc ? Le lecteur ne peut tout simplement pas rentrer dans un récit aussi tiré par les cheveux.
Ce qui est vachement dommage, parce que je suis persuadée que ce roman était doté d'une jolie réflexion sur l'Homme et la Science, mais il m'est impossible d'en parler après tous ces points rebutants dont je viens de vous parler.
Du coup, pas de titre, j'ai assez perdu de temps avec l'Ile du Docteur Moreau.