Alors, je ne suis pas franchement amatrice de thrillers: les tueurs psychopathes et effusions de sang-ketchup, s'ils ont un charme certain sur petit écran surtout quand il y a peu de moyens, me laissent globalement de marbre, si bien qu'il m'est difficile d'être objective sur cette lecture.


Quoiqu'il en soit, sur les, souvent judicieux, conseils d'une amie, j'ai décidé de laisser sa chance à ce premier roman de Patrick Bauwen, médecin urgentiste de profession.


Au demeurant le sujet ne me laissait pas indifférente: un tueur psychopathe qui se glisse dans les coulisses d'un jeu de télé réalité, l'occasion d’aborder une saine réflexion sur le voyeurisme institutionnalisé et les déviances de la boite à troubadours.


L'avis du médecin, en la matière, était par ailleurs particulièrement alléchant.


Mais... mais, mais, mais, toujours des mais, si la lecture s'est révélée plutôt pas désagréable, sans particularité notable, mais de bonne facture, le roman laisse un sentiment d’incomplétude.


D'abord parce que le propos du livre est noyé dans les effets et rebondissements à gogo.


Comme si l'auteur avait un peu de mal à se concentrer.


Il aborde des dizaines de sujets sans les explorer: les violences conjugales et familiales, la guerre, l'autisme, la vengeance, le racisme, les addictions...


Il donne des caractéristiques à des personnages qui restent pourtant superficiels, et prive ainsi le lecteur d'ancrages empathiques.


Lorsque Bauwen, après une longue, longue, longue attente, aborde, à travers le personnage de Thomas, la question des contrefaçons de médicaments, vendues aux pays africains, on sent bien que le sujet lui tient à coeur.


Mais là encore le problème c'est qu'on ne voit pas le rapport. Le chapitre qui y est consacré, en plein milieu du roman, sort de nulle part.


On dirait qu'un résumé de "La constance du jardinier" a été glissé là par erreur, et sans la finesse de John Le Carré.


Finalement, du cynisme de ces spectacles de la "télé-réalité", qui n'ont de réalité que le nom alors qu'il ne sont qu'une manipulation tant des protagonistes,que des spectateurs, l'auteur n'en parle que peu.


Quelques lieux communs jetés de-ci de-là sans profondeur de réflexion, étant rappelé que le premier Loft Story est sorti en 2001, on pouvait, même en 2007 (je conviens que depuis la télévision a creusé encore beaucoup, beaucoup plus profond dans la fange), d'ores et déjà exprimer un point de vue avec un certain recul.


Les idées sont présentes mais n'apparaissent concrètement que dans les dernières pages du roman.


Et là encore, le problème vient du fait qu'on n'a pas le temps d'y penser tant les 50 dernières pages sont surchargées d’événements et rebondissements successifs, dont l'accumulation rend par ailleurs ce dénouement un peu superficiel.


Parce que ça n'en finit pas de finir, c'est terrible !


C'est pour ça que je crains les thrillers; cette surenchère permanente, comme s'il fallait à tout prix piéger tous les lecteurs, que personne ne puisse deviner...


Alors finalement, tout perd un peu de son sens, et c'est dommage.


Sur le sujet, Amélie Nothomb et son Acide sulfurique ou encore récemment Olivier Norek avec son excellente nouvelle Verdict avaient frappé plus fort.


Ne vous méprenez pas, L'oeil de Caine est un divertissement agréable qui se lit avec facilité, à supposer cependant qu'on n'investisse pas trop le fond.

Chatlala
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le 15 juin 2018

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Chatlala

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