Il n'est pas facile pour moi de ne pas verser dans le dithyrambe lorsque je parle d'un roman de John Irving, mais je vais tout de même essayer de me contenir. Ce n'est cependant pas gagné tant L’Œuvre de Dieu, la part du Diable appartient, à mon humble avis, à la catégorie des chefs-d’œuvre de l'auteur – disons-le sans ambages.


Comme (presque) toujours, l'histoire que nous narre John Irving se déroule dans le Maine ; elle débute dans un orphelinat retiré du monde où le docteur Wilbur Larch réalise « l’œuvre de Dieu » en mettant au monde des enfants non désirés – et qui resteront dans l'établissement dans l'attente d'être adoptés – mais également « la part du Diable », qui consiste à pratiquer des avortements clandestins (l'action se déroule à une époque où l'avortement n'était pas encore légalisé). La vie de l'établissement, jusqu'ici réglée comme du papier à musique, va être chamboulée lorsque va naître Homer Wells, un orphelin qui ne parviendra pas à se faire adopter et qui va, de fait, grandir à l'orphelinat, faisant naître au plus profond du docteur Wilbur Larch des sentiments que sa mise à l'écart volontaire de la société ne devait jamais lui faire connaître. Mais Homer va finir par partir et tomber amoureux. Alors, lui l'orphelin abandonné à sa naissance par sa mère, va sentir poindre le désir de vivre une « vraie » vie, une vie de famille, et s'éloigner peu à peu de l'orphelinat... pour mieux y revenir !


Quel bonheur, quelle extase, quelle jouissance de lire ce roman ! (Ça y est, je suis dithyrambique, c'est plus fort que moi...) John Irving, comme à son habitude, nous livre un roman-fleuve (plus de 750 pages) s'étirant sur de nombreuses décennies, contant la vie de ses personnages avec une profusion de détails. Certains – rares – y voient des digressions inutiles, moi j'y vois la densité d'une fresque dépeinte grandiosement. On ne s'ennuie pas une seule seconde ; on plonge dans le roman avec délectation et on s’enivre de l'épopée qui nous est contée, de la pensée profonde de l'auteur qui nous touche comme lorsque le dénouement final approchant, deux personnages échangent :



– C'est dur d'avoir envie de protéger quelqu'un et d'en être incapable, fit observer Ange
– On ne peut pas protéger les gens, petit, répondit Wally. Tout ce qu'on peut faire, c'est les aimer.



Et ce style. Ah ! mes aïeux, quel style ! Ces tournures de phrases, cette poésie, cette magnificence dans la ponctuation ! John Irving est l'auteur qui m'a fait me pencher sur la ponctuation ; c'est lui qui m'a fait rencontrer le point-virgule dont je suis, depuis, tombé éperdument amoureux ; c'est lui qui m'a fait comprendre que ce signe n'était pas désuet, malgré ce que veulent bien nous faire croire certains linguistes.


Jetez-vous sur ce livre. Jetez-vous sur cet auteur. Et dépêchez-vous, car si à cinquante ans on a pas lu l’œuvre de John Irving, on a quand même raté sa vie !

Cortex69
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le 14 juin 2015

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Cédric Moreau

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