Une bonne lecture, mais pas pour tout le monde

Avant toute chose il faut nécessairement faire un point sur le personnage d'Antonin Artaud ; l'homme qui a écrit l'Ombilic des limbes était, d'après ses correspondances avec Jacques Rivière et la teneur de ses textes, un grand malade. Extrêmement angoissé, dévoré par ses peurs et mort en hôpital psychiatrique, il tentait plus de décrire ses souffrances que la beauté dans ses écrits.

Ah et c'était un auteur surréaliste aussi.

Et ce surréalisme est prépondérant dans sa littérature ; poèmes, pièces de théâtres, proses etc. tout ce qu'il a fait se ressent de cette étrangeté qui se dégage de sa pensée et je diviserai ses textes en trois catégories :

• Les textes politiques ou explicatifs


• Les textes-qu'on-comprend-rien-mais-qu'est-ce-qu'il-raconte-ce-mec


• Les textes percutants

J'ai défini la première catégorie ainsi parce que les écrits qui en font partie selon moi sont aux antipodes du reste : ils sont d'une clarté sans faille, son propos est précis et bien amené et sa pensée y est cristalline: pas d'équivoque et tout le monde peut s'y retrouver.

Dans la deuxième vont les deux tiers du livre : si vous n'appréciez pas l'absurde et le surréaliste une chose est certaine, vous trouverez plus de sens à brûler son livre qu'à le parcourir. Au moins l'enchaînement des choses semblera logique. Mais ne le brûlez pas, car il reste la troisième catégorie.

Et dans cette troisième catégorie, il y a des textes un peu entre-deux. ils emploient des images plus ou moins bizarres et, pourquoi pas, carrément dégoûtantes, mais les sensations qu'on est supposé y trouver sont bien là. C'est comme certains tableaux surréalistes (c'est vraiment le mot-clé ici) ou un peu abstraits : il en existe qu'on trouve repoussants ou mauvais, mais dont on ne peut étrangement pas détacher le regard. Des tableaux dans lesquels on trouve une sensation qui ne paraît pas dénuée de sens. Étrange, oui. Malsaine, pourquoi pas. Mais étrangère, surtout pas. À ce moment les images employées par Artaud sont autres qu'un "soleil ayant un regard, mais qui regarderait le soleil". Ce sont des images plus proches de soi, on sent vraiment de quoi il parle et la lecture de tels textes propose un petit voyage à l'intérieur de soi. Une expérience toute cheloue, certes, mais pas dénuée d'intérêt.

Lire Artaud c'est vouloir lire des textes surréalistes (encore une fois, on le dira jamais assez). Et si on part de cette idée-là alors ce livre nous donne exactement ce qu'on veut. Il faut avoir un certain niveau de préparation pour pouvoir passer au travers de ces entremêlements de phrases qui ne veulent rien dire et de ces images mentales malades. Pour moi c'était une bonne lecture - pas à tous les étages, mais une bonne lecture quand même - mais en tout cas pas un livre que je recommanderais à tout un chacun. J'avais de la curiosité pour le personnage après avoir écouté son "à la recherche de la fécalité" (j'vous demande un peu !) et il ne me déçoit pas.

C'est parti pour le Pèse-Nerfs.