Une fois encore, ce sont les critiques de SC qui m'ont incitée à lire ce roman. Soyons honnête, ce n'est pas la couverture d'un romantisme mièvre qui aurait pu me convaincre. C'est donc animé par un mélange de retenue et d'esprit de curiosité que j'ai entamé l'aventure.
Si je dois admettre une grande qualité chez cet espagnol, c'est son sens du romanesque. L'ombre du vent est gonflé d'un souffle qui rappelle, toute proportion gardée, les Grands du 19è siècle. Zafon puise dans une multitude de thématiques pour asseoir une intrigue sur plusieurs niveaux. A la fois roman d'aventures, d'amour, initiatique, policier, historique, le livre est construit comme une fresque s'étalant sur presque un siècle. Il y a un vrai savoir faire d'écrivain et même les nombreuses digressions offertes à mes pupilles n'entachent en rien le plaisir de la découverte. Pouvoir s'éloigner du flux narratif principal, broder au crochet de 4 une jolie dentelle de personnages secondaires, apporter de la cohérence à un monde, des couleurs, des odeurs à une ambiance, ce n'est pas donné à tout le monde et Zafon s'en sort plutôt bien.
La structure du roman reste classique. Le narrateur découvre que sa vie suit le même cours que celle de son auteur fétiche et rencontre les mêmes écueils. Le procédé n'est pas nouveau mais Zafon l'utilise intelligemment.
L'écriture est plaisante, s'accordant quelques instants bien sentis. Elle demeure principalement légère, préférant les verbes d'action, les phrases courtes et les tournures simple. Style roman de plage bénéficiant d'un budget vocabulaire plus conséquent que la moyenne.
La réelle déception de l'ouvrage vient sans conteste de ses personnages. Daniel, le narrateur, transparent. Une personnalité qui peine à s'affirmer, toujours dans l'ombre des événements qu'il subit plus qu'il ne provoque. Son père, un fantôme de figure paternel, accroché à sa librairie tout au long de l'histoire. Les figures féminines, en retrait, également passives. Nouria, Pénélope et Béatrice, un trio de Dames qui manque de piquant. Un Julian Carax diaphane dans son costume de poète maudit pyromane sans visage. Seul Fermine Romero de Torrès, figure paternaliste et grande gueule bourrée d'aphorisme, séduit et donne du tonus à des dialogues trop souvent convenus et sans réelles ambitions que de dérouler le canevas de l'intrigue. Même pas une pensée pour le méchant de l'histoire, flic violent et psychopathe, taillé à la masse dans une roche dure. Un bloc brutal prévisible et sans nuance.
Ultime déception, la conclusion, pathétique, avec son corps à corps final digne des pires productions avec blessure mortelle et renaissance du héros.
Un livre à vivre pour son souffle romanesque suranné et un Fermine en grande forme