ACTION FRANÇAISE ! ET POUR QUE VIVE LA FRANCE ! VIVE LE ROI !

La plupart des gens (dont j'ai fait partie) lorsqu'ils entendent parler du mouvement d'Action Française s'imaginent deux choses complètement fausses, ou disons inexactes :



  • "L'Action Française a toujours été monarchiste car ce système politique est, pour eux, une évidence". Faux, car même si l'idée d'un retour à la monarchie arrive très rapidement sur la table à partir de 1905-1906, au départ les fondateurs, dont l'illustre Charles Maurras, sont de simples nationalistes. L'idée d'une monarchie est donc une conclusion au terme d'un cheminement progressif qui prendra plusieurs années, et non un point de départ.


  • L'Action Française est un mouvement politique. Faux, c'est en réalité un cercle d'intellectuels constitué autour de quelques figures emblématiques qui se consacreront principalement à la critique littéraire et au débat d'idée. Justement, et c'est la grande conclusion de ce livre, l'erreur majeure de L'Action Française c'est de ne jamais avoir su saisir les opportunités pour prendre le pouvoir alors qu'elle avait les moyens concrets de faire bouger les lignes. D'où le célèbre quolibet qui apparaîtra au lendemain de la première guerre mondiale pour railler l'incapacité du mouvement à rentrer dans la praxis : "L'Inaction Française". Charles Maurras aura la responsabilité principale dans cette inertie pataude qui décevra plus d'un membre (et des plus fervents) au cours des décennies, je pense notamment à Bernanos. On peut quasiment dire qu'à partir des années 1920-1930, le rétablissement d'une monarchie n'est plus sérieusement envisagé même si la question reste en suspend.


  • Charles Maurras est un paria nationaliste proche des mouvements fascistes du début du XXème siècle. Faux, Maurras a longtemps était, sinon estimé par ses adversaires, au moins craint par ses contemporains du fait de la justesse de ses raisonnements et que l'image de pestiféré qu'il encourt aujourd'hui est parfaitement anachronique.



L'Action Française, c'est une histoire inscrite dans le temps puisque l'école a traversée plusieurs générations avec, à chaque époque, une figure de prou qui soit : a tenté de redéfinir la pensée d'A.F. (Maulnier) soit revisiter les principes fondateurs notamment à partir de la mort de Maurras en 1952 (Boutang). De nombreux intellectuels ont rejoint de près ou de loin cette mouvance que ce soit Vaugeois, Gide, Bainville Péguy, Bernanos, Maulnier, Malraux Boutang... Sans parler de l'influence remarquable du mouvement auprès de personnalités telles que François Mitterrand ou Charles de Gaulle.


François Huguenin relate avec brio l'histoire de cette pensée depuis la fondation du mouvement jusqu'à nos jours. Sans complaisance sur ces fautes (antisémitisme, ralliement à Vichy sans réserve), il montre également toute la beauté du mouvement qui tenta de redonner ses lettres de noblesses à une pensée politique et philosophique profonde héritée des réactionnaires et conservateurs de la fin du XVIIIème siècle.


Florilège :


Contre l'individualisme :



Plus clairement que n'importe quel penseur contre-révolutionnaire, Le Play a formulé le principe fondateur de la politique d'Action Française : l'individu n'est pas une unité sociale, le premier cercle communautaire est la famille. Premier espace du vivre-ensemble, la famille est - ne l'oublions pas - au centre de l'aboutissement monarchique de Maurras, puisque la monarchie traditionnelle, héréditaire, n'est autre que l'établissement du pouvoir non par un homme seul mais d'une famille.



Pour résumer selon Charles Maurras : "A/ L'individu n'est pas une unité sociale ; B/ La première unité sociale, c'est la famille." Jacques Bainville poursuit ce raisonnement dans le premier numéro de La Revue Grise en 1901 (bimensuel qui précéda la sortie de la seconde et célèbre revue L'Action Française entre 1899 et 1902) où il croise le fer avec Eugène Montfort lors d'un état des lieux général des sociétés démocratiques : "Nous souffrons et de n'être point gouvernés et d'être trop administrés" ; "Une société civilisée, en effet, et digne de ce nom, ne présente pas des individus juxtaposés, comme chez les hommes des bois : elle est formée de groupes où l'individu est soutenu et discipliné, coordonné et subordonné. Association postule différenciation, hiérarchie, soumission : l'esprit égalitaire et démocratique - c'est-à-dire l'esprit de révolte et d'envie - est incompatible avec les exigences de la vie en société." Enfin j'ajouterai une réflexion méditative pleine de lucidité dont l'interrogation douloureuse ne laisse pas indifférent de Pierre Lasserre. Celle-ci corrobore les deux citations précédentes mais aussi avec l'état actuel de notre pays : "Ne sera-ce pas la destinée de la France de disparaître dans la démocratisation de l'humanité ?"



Considérant la société comme "une collection d'atomes sans dépendance mutuelle", l'individualisme révolutionnaire a dépouillé l'individu de ses droits réels au profit d'une "souveraineté fictive, absurde et illusoire". La destruction de l'ordre corporatif a, en théorie, donné à l'homme le droit de disposer de sa personne comme bon lui semble ; en pratique, celui de se vendre pour ne pas mourir de faim. Conséquence, écrit Bacconier : "L'égoïsme, ou l'amour de soi, devient donc le principe de toute action humaine, et la lutte pour la vie, ou la haine de tous contre tous, constitue alors logiquement l'état normal de tous les rapports sociaux."



Contre l'égalitarisme :



Autorité en haut, libertés en bas.



Toujours dans la filiation intellectuelle de la pensée contre-révolutionnaire notamment celle de Joseph de Maistre, Charles Maurras affirme l'idée de l'inégalité nécessaire, "protectrice" dira le chef de file du courant le plus influent de ce début de XXème siècle, qui ne signifie pas refus d'une recherche d'égalité - ou de justice - sociale, mais refus d'ériger en principe une égalité que contredisent les inégalités de fait, une égalité de droit source d'envie, d'antagonismes et de haines ; ensuite le constat que l'idéal de liberté est un leurre tant "le plus parfait état de liberté n'est qu'un régime de contrainte sociale" ; enfin, le refus du mythe de la bonté humaine et de la perversion de la société. Voilà autant de leçons que retiendra la pensée d'Action Française. Sans parler de sa critique, très actuelle, de l'oeuvre révolutionnaire au sujet de la séparation des individus dans un monde du travail désolidarisé tout comme celle de la dictature du marché dans l'économie libérale.


Pour le socialisme :


L'Action Française va se rapprocher du syndicalisme révolutionnaire dès 1902. Charles Maurras disait : "Ce qui rend le socialisme anarchique et révolutionnaire, ce n'est point ce qu'il a de socialiste, c'est le poison démocratique qui s'y mêle toujours". Et à Bainville de poursuivre la démonstration se référant à la phrase de Lagardelle : "Le socialisme est mis en péril par la démocratie". Bainville montre la convergence entre le point de vue national et le point de vue syndical, qui tous deux excluent "le désordre inégalitaire, le règne fébrile et capricieux de l'opinion, l'impuissant et ruineux gouvernement parlementaire". Et d'ajouter : "C'est un simple rapprochement et nous ne voulons pas en exagérer la portée."


Contre la centralisation :



A ceux qui proposent une décentralisation à l'intérieur du régime républicain, Buffet répond, dans le sens déjà perçu par Maurras, que la République ne saurait décentraliser : " Ils ne peuvent pas décentraliser, car ils n'existent, ils ne durent, ils ne gouvernent que par la centralisation. Tout pouvoir républicain sort en effet de l'élection. S'il veut se maintenir à l'élection suivante, l'élu, ministre ou député, a besoin de se tenir près de son électeur. Qui tient l'électeur ? Le fonctionnaire. Qui tient le fonctionnaire ? L'élu, ministre ou député, par la chaîne administrative. Décentraliser l'administration, c'est donc couper en deux ou trois endroits de cette chaîne de sûreté ; c'est rendre au fonctionnaire une part d'indépendance, à l'électeur la liberté correspondante.



Tout est déjà en germe dans la pensée d'Action Française, même le concept de plus en plus fédérateur aujourd'hui de la décentralisation, propre au royalisme, amenée par La Tour du Pin, André Buffet ou Le Play. On sait que des personnalités comme Chouard ou Onfray font leur beurre sur l'idée d'un retour au régionalisme, au local.


Contre le romantisme (le mouvement littéraire et intellectuel) :



Pour bien aimer, il ne faut pas aimer l'amour. Il ne faut pas le rechercher, il est même important de sentir pour lui quelque haine. S'il veut garder toute la douceur de son charme et la force de ses vertus, l'amour doit s'imposer comme un ennemi qu'on redoute, non comme un flatteur qu'on appelle.



On oublie souvent que Charles Maurras avant d'être l'intellectuel et l'écrivain que l'on connait fut tout d'abord un grand critique littéraire. Et l'école d'Action Française, dès le début, fut une école de critique sociale, religieuse et littéraire. Une école d'étude et d'analyse des faits et œuvres littéraires visant à comprendre et à juger son temps et prônant la renaissance du classicisme en opposition au romantisme. Pour qu'il y est critique il faut qu'il y est goût : "Il faut donc à ce goût quelques principes que Maurras passe en revue : la simplicité - qui exclut les ornements qui ne font pas corps avec la pensée -, le principe d'économie - qui évite le mélange des genres -, l'observation enfin de la tradition d'un art contre les génies de l'arrogance. Cette tradition grecque, romaine, française, Maurras la nomme "classique". La critique que Maurras fait du romantisme n'est pas esthétique, mais métaphysique et ontologique car le romantisme serait moins un courant esthétique qu'une maladie de l'âme, qui se définit par "l'usurpation par la sensibilité et l'imagination de l'hégémonie de l'intelligence et de la raison". Boutang quelques décennies plus tard tirera à boulets rouges sur Victor Hugo dont il l'accuse d'avoir dénaturé le goût français et ses mœurs : "La médiocrité même, la quasi-nullité de la "pensée" de Hugo, démontrait son affinité avec une bêtise, humaine sans doute, mais plus particulièrement française".



On aura compris qu'avec Maurras la critique implique plus qu'un jugement sur les livres. Il s'agit de se connaître et de se perfectionner. Si le style, c'est l'homme, les livres sont la vie.



Et dire qu'on a banni le "Maurras" du débat public...


C'était il y a 120 ans.

silaxe
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le 4 mai 2019

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