Cet "Homme au sable", c'est, bien entendu, le fameux marchand de sable qui passe pour endormir les enfants. Mais, dans cette nouvelle terriblement sombre, cette légende est reprise de façon très inquiétante. Ainsi, ce personnage jette du sable aux yeux des enfants qui ne dorment pas encore ; les yeux en sang, les pauvres sont aveugles et le monstre peut alors les kidnapper pour les donner à manger à sa progéniture. Avouez qu'il y a de quoi effrayer les enfants...
Ainsi, le petit Nathanaël, à qui sa nourrice raconte cette affreuse légende chaque soir, en ressort littéralement traumatisé. Et quand, chaque soir, au moment de se coucher, il entend des pas lourds et menaçants dans l'escalier, il est convaincu que l'Homme au sable vient le chercher. Or, ces pas, ce sont ceux de Coppélius, un avocat repoussant au physique de sorcier qui vient parler à son père. Et qui va, indirectement, provoquer la mort de ce père lors d'une expérience d'alchimie.

Ce Coppelius est, à mon avis, un des plus extraordinaires personnages de méchants que je connaisse. Tout y est : le physique abject (les mains poilues, les yeux de chat), les actes mystérieux et interdits (alchimie), l'orgueil démesuré qui lui fait concevoir un projet d'ordre divin. Et l'obsession de Nathanaël, qui voit Coppelius partout, qui pense que tout le mal du monde vient de lui, qui se croit même persécuté par cet homme étrange et repoussant. Au point de poursuivre un simple vendeur et de le menacer uniquement parce qu'il ressemble à Coppelius.
La nouvelle est constituée de six chapitres. Les trois premiers sont des lettres échangées entre Nathanaël et sa fiancée Clara. L'étudiant fait part de ses terreurs à sa chérie qui, les pieds sur terre, essaie de le ramener à des idées plus raisonnables. mais Nathanaël est enfermé dans son obsession. Il raconte sa vision cauchemardesque de la mort de son père. Il raconte son enfer. D'emblée, nous sommes plongés dans un monde sombre et désespéré.
Puis arrivent trois chapitres racontés par un narrateur inconnu (un ami de Nathanaël). L'histoire semble rebondir dans une autre direction. Nathanaël découvre une étrange fille, la sublime Olimpia, qui reste des journées entières à sa fenêtre sans bouger. Une Olimpia mystérieuse, recluse par son père qui ne la laisse pas sortir de chez lui. Une Olimpia qui deviendra la nouvelle obsession d'un Nathanaël devenu fou d'amour pour elle. un amour d'autant plus inexplicable que la jeune femme est quasiment muette, très maladroite et ne semble pas douée d'une intelligence phénoménale.

Cette nouvelle fantastique est un bijou de la littérature romantique. L'atmosphère est sombre et le texte insiste sur le thème de la folie. Folie d'un Nathanaël qui sort d'une obsession délirante pour entrer dans une autre, qui passe d'un aveuglement à l'autre. Tout au long du texte, il est impossible de décider si Nathanaël a raison ou si tout n'est qu'un délire de son imagination maladive et traumatisée, mais une chose est sûre : le personnage n'est pas sain d'esprit.
Le texte reprend plusieurs thèmes habituels de la littérature fantastique (je ne vais pas tous les citer, de peur de dévoiler le final et la solution de l'énigme, car il y en a une) et les exploite avec un talent rare. L'ensemble est absolument terrifiant.
Le seul défaut, dans la version que j'ai lue, est la traduction, trop vieillotte, trop compliquée. Elle alourdit la lecture de ce texte grandiose.

Créée

le 18 juin 2013

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SanFelice

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