"La ballade de l'impossible" - beau titre curieusement en décalage avec le thème apparent du livre de Murakami - est ce qu'on appelle aujourd'hui un roman "déceptif", c'est-à-dire trompeur, qui a en outre un drôle d'effet sur son lecteur : voilà un livre où il ne se passe pas grand chose, mais qu'on dévore comme un thriller. C'est aussi un livre assez classique "d'apprentissage" de la vie - qu'on imagine autobiographique - dans une veine assez Salingerienne (c'est l'une des deux références sur la couverture, l'autre étant Scott Fitzgerald, pour l'élégance mélancolique et la pudeur sensuelle des sentiments, je suppose), à la fin duquel on n'a finalement rien appris, si ce n'est la profondeur du désespoir et de l'impossibilité de sentir vraiment le monde et les autres. C'est un livre sur l'amour et sur le sexe, dans lequel l'amour est revêtu des oripeaux de l'amitié et le sexe se réduit à de pauvres branlettes et fellations. C'est un livre sur la passion, mais une passion glacée, vitrifiée plutôt, aussi bien derrière les conventions sociales japonaises, mais aussi une indéniable incapacité du "héros" à se laisser aller à exprimer quoi que ce soit de ce qui le dévore littéralement. C'est donc un livre aussi merveilleux dans son absolue précision émotionnelle que frustrant de par la terrible impuissance amoureuse qui s'en dégage. Au fond, ce que nous dit Murakami en souriant tristement et calmement, c'est que tout est déjà perdu d'avance. [Critique écrite en 2009]

EricDebarnot
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le 18 sept. 2014

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Eric BBYoda

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