Oui, attendue depuis une éternité par la communauté (heu fraternité, devrais-je dire) francophone, j’avais cette nouvelle traduction dans ma collection depuis sa parution en Octobre dernier mais le temps nécessaire pour la savourer me manquait. C’est désormais chose faite et le travail de Daniel Lauzon est tout aussi appréciable que sur le Hobbit. C’est beau et fluide, en particulier sur les poèmes, il y a un véritable travail d’investigation étymologique sur la traduction de certains noms propres vers le français et le texte est surtout débarrassé de coquilles et autres contresens présents dans la traduction d’origine. Du tout bon à ce stade.


Les seuls petits bémols :
- il manque parfois, ici et là, des mots. Rien qui gêne la lecture mais j’espère que ça sera résolu dans une prochaine impression (si ce n’est pas déjà fait).
- on est obligé de plier le livre pour voir le milieu des cartes (sinon les illustrations d’Alan Lee re-numérisées sont simplement magnifiques).
- heu, heureusement que je ne l’ai pas lue à sa parution car j’ai plus qu’une envie : lire la nouvelle traduction des Deux Tours ! (plus que quelques mois à patienter).


Bon, cela faisait longtemps que je ne n’avais pas relu le Seigneur des Anneaux, ni revu les films de Peter Jackson. Deux bonnes conditions pour aborder cette (re)lecture et donner mon point de vue sur les différences essentielles. Et déjà la chose qui me surprend le plus, c’est qu’à aucun moment je n’ai eu en tête les images du film, quand bien même, depuis 2001, j’avais bien conscience des différences qui séparent le livre et son adaptation. Cela ne m’empêche pas pour autant d’apprécier le travail de Peter Jackson sur certains points mais le livre m’est toujours apparu comme une expérience infiniment plus forte et subtile. C’est encore plus vrai aujourd’hui, à la lumière de cette relecture.


Quand je parlais de savourer je pensais d’abord aux nombreuses descriptions (qui peuvent rebuter certains) mais qui font naître chez le lecteur patient et investit des images visuelles fortes et permettent une immersion totale dans un autre monde avec la sensation de voyager en compagnie des héros.
L’univers décrit par Tolkien m’apparait plus comme des peintures mélangeant tantôt préraphaélisme tantôt impressionnisme, une sensation que je ne retrouve pas souvent dans les films sauf peut-être dans certains plans du Hobbit de Jackson (ceux de Rivendell pour être précis et oui cette constatation peut paraître étrange). A mon goût, le seul univers mélangeant médiéval et fantastique et qui se rapproche un tant soit peu de ce que je peux ressentir à la lecture des descriptions de Tolkien est celui de la saga vidéoludique The Witcher (je parle sur le plan artistique, et en particulier des environnements).


Mais le plus important pour moi et ce qui constitue la véritable différence entre le livre et le film c’est le ressenti des grands thèmes abordés notamment en ce qui concernent les plus importants et les plus subtils : la fuite du temps et la disparition de la féerie.

Les liens constants entre passé mythique et événements présents sont au cœur du livre à travers les poèmes notamment et confère au récit son caractère épique et héroïque. Ces allers-retours (le sens du sacrifice de Gil-Galad et d’Elendil, la faiblesse d’Isildur) nous font ressentir les enjeux futurs et la quête pour la destruction de l’Anneau avec plus de poids.


Dans les films, c’est surtout le pouvoir des anneaux elfiques et la traîtrise de Sauron qui ne sont jamais vraiment expliqué et manque cruellement.
Face au changement inéluctable, alors qu’ Elrond est le représentant d’une partie de la mémoire du monde, Galadriel est la gardienne d’une partie de sa beauté et le pouvoir des anneaux elfes (préservation de la beauté, de la nature, ralentissement du temps) et le dilemme qu’implique la destruction de l’Unique (qui fera perdre leurs pouvoirs aux anneaux elfes) sont à la fois plus clairs, plus subtils et plus terribles que dans l’adaptation de Peter Jackson. La tentation de Galadriel a donc un sens plus profond en plus d’apporter une réflexion sur le pouvoir et son utilisation. La destruction de l’Anneau est donc perçut comme un moindre mal.


Car le temps, l'oubli et la mort apparaissent comme les véritables ennemis et Sauron et sa création diabolique, l’Anneau, des instruments qui ne font qu’accélérer les choses en pire (un enfer sur terre). Et face au pire, le seul véritable chemin reste la sauvegarde et l’avenir du monde pour les mortels, bien qu’il ne sera jamais plus aussi beau et féerique qu’avant. Le seul espoir, la renaissance, et la transmission d’un héritage après la destruction du mal réside dans le « sacrifice » d’Arwen.
Et c’est justement l’un des personnages qui me procure beaucoup plus d’émotions dans le livre que dans l’adaptation. Alors qu’elle est très peu présente, telle qu’elle est décrite (juste un regard à Frodo, aucune parole intelligible) et les liens que le lecteur fera avec l’histoire de Beren et Luthien (racontée par Aragorn quelques chapitres plus tôt) font d’elle un être quasi-mystique. Dans ce récit (et dans les autres œuvres de Tolkien en général), les femmes, peu nombreuses par rapport aux hommes, bénéficies de descriptions vraiment sublimes, car elles incarnent, dans un monde en voie d’extinction, l’espoir, la beauté et la vie.


Citer tous les passages que je préfère dans le livre serait trop long, voir même évoquer en détails toutes les différences entre les personnages du livre et du film (Gimli, Pippin, Merry, Frodo voit même Sauron !) C’est surtout l’impression générale qui n’est pas du tout la même et restera toujours plus forte et subtile dans le roman.
Sinon, j’ai surtout adoré relire le passage avec Tom Bombadil, cette énigme, être simple mais Ô ! HO ! TOM BOMBADILLIOOOOO !!! Yeah ! (C’est l’un de mes préférés, désolé si je délire). Le conseil et le passage avec Galadriel aussi et la description du Balrog est vraiment puissante !


Le principal défaut du roman de l'avis de beaucoup et de Tolkien lui-même et qui apparaît déjà à la lecture du premier tome c'est qu'il est trop court. Adolescent je le trouvais monstrueusement long, là je l'ai dévoré en quelques jours et loin de moi de vouloir reprendre l'avis général mais quand on voit ce qu'ont publié d'autres auteurs dans un genre proche (J.K. Rowling ou G. Martin)...
Mieux vaut la qualité à la quantité après tout.
Il faudra que j’écrive une critique sur La Communauté de L’Anneau de Peter Jackson après « révisionnage », je suis loin d’en penser du mal mais j’ai évoqué mon ressenti général sur quelques différences essentielles. Tolkien est Maitre.

Altharil
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le 16 juil. 2015

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Altharil

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