La Compagnie noire
7.7
La Compagnie noire

livre de Glen Cook (1984)

Il y a une chose très importante que je n'ai pas réussi à caser dans le résumé, c'est la narration. En effet, l'histoire de la Compagnie Noire nous est narrée par l'intermédiaire des annales de cette dernière. Toubib, comme son nom l'indique est le médecin de ces mercenaires mais aussi et surtout l'annaliste. C'est par son biais ou plutôt par sa plume que l'on va suivre toutes ces péripéties.

Le texte qu'on lit est sensé être ce que Toubib a rapporté dans ses annales.

Concrètement, ce choix de narration a un véritable impact sur la construction du récit et sur l'angle d'attaque. Toute l'action est vue par les yeux de Toubib, c'est pourquoi c'est une narration à la première personne.

Comme c'est l'unique point de vue, le déroulement est forcément un peu biaisé. En effet, il peut s'attarder sur des passages plus intimistes, sur ses réflexions, ses doutes alors que d'un autre coté il peut occulter totalement une énorme bataille (n'étant pas sur les lieux). Au cours de l'histoire, il arrive que se soit relaté des évènements durant lesquels Toubib n'était pas présent. Il retranscrit donc ce qu'il a entendu d'une autre personne.

De même, le style est par conséquent direct, va droit à l'essentiel et ne s'attarde pas sur les descriptions. Le langage et les faits narrés sont bruts de décoffrage, c'est cru et sans concessions.

Autre point à prendre en compte c'est que, comme on en sensé lire des annales, on prend un peu l'aventure en cours. Les personnages ne nous sont pas présentés puisqu'on est sensé les connaitre. Il y a donc un petit temps d'adaptation pour savoir qui est qui.

Ce choix de narration est vraiment très bon et sied bien au profil de la Compagnie Noire. On se sent vraiment au coeur de ses hommes. On a presque l'impression de se battre, de crapahuter, d'angoisser avec eux. Ça offre des possibilités et un éclairage qui diffèrent de ce que l'on peut lire en fantasy. C'est agréable.

En revanche, je n'ai pas toujours eu le sentiment de lire des annales. Il y a quelques passages qui font plus romancés.

Les personnages sont terriblement humains. On voit bien leur travers et leurs faiblesses. Forcément Toubib est le personnage que l'on connais le mieux. Néanmoins, des personnages comme Qu'un Oeil, Gobelin, Silence, Corbeau, Elmo, Lieutenant ou le Capitaine valent aussi le détour.

Dire que les principaux personnages sont « attachants » ne seraient pas le terme, mais plus on avance et plus on ressent le sentiment de « frères d'armes », ce lien qui unit tous les membres de la Compagnie Noire. On éprouve donc cette sensation vis-à-vis des membres la composant.

Ils sont également intéressants de par leur vision nuancée du bien et du mal. Ils nous montrent bien que tout est une question de point de vue. La frontière est donc floue entre le camp du mal et celui du bien. Surtout quand chez les « bons » ils commettent les pires atrocités et quand dans celui du mal il peut y avoir un fond de bonté et d'honneur.
Ils ont également une façon de combattre redoutable. Non seulement ils savent manier leurs armes quand c'est une bataille classique, mais ils sont surtout très forts pour réussir leur mission par la ruse.

C'est donc très intéressant de voir comment tous ses personnages se sortent de situations périlleuses ou de batailles. L'aspect stratégie et ruse est vraiment important et passionnant à lire.

La Compagnie Noire s'interroge beaucoup sur qui elle sert. Elle a un honneur particulier : effectuer sa mission quelque soit le camp. Elle ne s'engage pas pour une bonne ou une mauvaise cause. Elle ne fait qu'exécuter sa mission.

Concernant l'histoire, j'ai trouvé que ça mettait du temps à décoller. On suit la compagnie de batailles en batailles sans qu'il y ait de véritables fils rouges. Puis plus on avance plus on apprend sur la Dame et les Asservis et plus ça devient captivant, pour finir par une énorme et dantesque bataille et par de beaux retournements de situation.

A niveau des batailles, on est servi. Il y a en a beaucoup, et des différentes et qui nous permettent de mieux apprécier tout l'aspect stratégie.

L'ambiance est aussi glauque et sombre. On ressent bien le moral des troupes, le climat rude, la pression et la tension permanente. Et puis on y parle de meurtres, de tortures, de viols... mais tout en restant soft.

On a le sentiment de ne jamais être en sécurité et on se dit qu'il peut tout arriver. Mais il arrive de temps en temps qu'il y ait des petits passages humoristiques, notamment les perpétuels chamailleries de Qu'un Oeil et Gobelin.

J'ai également apprécié la part de la fantasy dans le texte. Seule la magie est présente dans ce monde. On a pas quelques figures classiques de la fantasy, comme des créatures fantastiques, des peuples mythique sou autres interventions des Dieux. Non, ici, seul quelques hommes sont capables d'user de magie. La plupart du temps, il s'agit juste d'illusions, sauf le Cercle, et les Asservis qui, eux, sont des as.

Par contre le concept d'Asservi m'a immédiatement fait penser aux Reprouvés de la Roue du Temps. Ils ont un peu le même rôle et place dans ce monde, et ont aussi cette tendance à comploter entre eux.

Pour conclure ce premier tome du cycle de la Compagnie Noire, met du temps à démarrer mais après c'est passionnant. Le choix de narration est intéressant et offre pas mal de possibilités qui permet de lire quelque chose de sensiblement différent. Les personnages font très humains, et sont agréables à suivre. Le lecteur à l'impression de faire partie de cette Compagnie Noire. L'ambiance est assez sombre et la menace plane. Néanmoins, je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus sombre. Je m'attendais presque à du viscéral, du malsain, car je pensais que ces mercenaires allaient être de véritables salauds. Ce qui n'est pas tout à fait le cas. Ils ont juste une vision du bien et du mal différente.

Un classique qui vaut le coup d'être lu, avec une fin de tome très bonne.
Kameyoko
8
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le 8 déc. 2010

Critique lue 1.5K fois

7 j'aime

Kameyoko

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