Imbéciles. Ainsi sont caractérisés les personnages du roman de John Kennedy Toole, *La Conjuration des Imbéciles*, publié en 1980. Le premier d'entre eux est Ignatus. Véritable "Tanguy" des années 1960, à 30 ans, il vit encore chez sa mère, Mme Reilly. Grand, obèse, laid, il ne quitte jamais son affreux chapeau. Antipathique, asocial, supérieur, pédant et de mauvaise foi, il rejette cette société américaine consumérise et superficielle, ainsi que toute contrariété pouvant provoquer la contraction de son "anneau pylorique". Véritable contempteur de son époque, il observe la décadence des mœurs. Quand il est en colère, il noircit des petits cahiers, qu'il rêve de publier afin de changer le monde. Il porte un regard critique sur le monde du travail moderne, sur les "communisses", sur le féminisme et sur tant d'autres sujets.
Obligé de travailler pour subvenir à ces besoins et à ceux de sa mère, il rencontre divers personnages tous aussi croustillants. Marginaux, paumés, sociopathes, ils viennent rendre le récit encore plus absurde qu'il ne l'est déjà. La mère Reilly passe ces soirées au "bouligne", la bande du bar "Les folles nuits" sont tous aussi stupides les uns que les autres, les patrons des Pantalons Levy incarnent une bourgeoisie désincarnée et coupée du monde, le policier Mancuso est le reflet d'une police toujours plus ridicule et inefficace.
Entre progressiste et conservateur, entre véritable génie ou idiot complet, Ignatus est un personnage complexe à saisir. Souvent irritable, parfois touchant, on ne peut s'empêcher de la prendre en grippe. Le ridicule et l'absurdité du personnage visent à montrer les défauts d'une société américaine qui se croit si parfaite … Et à faire comprendre au lecteur qu'il existe un imbécile dans chacun d'entre nous.