Le philosophe Jean-Claude Michéa, qui préfaça cette réédition de "La Culture du Narcissime", n'a jamais signé de contrat avec son éditeur. Il a toujours refusé de toucher un centime sur les produits de la vente de ses livres, arguant, "j'ai du mal à admettre qu'on rémunère une intervention effectuée en tant que citoyen dans le débat public". Sa seule demande fut d'employer les bénéfices à la réédition de certaines œuvres qui lui tenaient à cœur, dont celle-ci.


Dans cet ouvrage, Christopher Lasch prédit dès 1979 que le capitalisme obéit à une logique rigoureuse, qui conduit naturellement ses contemporains à devenir des Narcisses. Contrairement à l'expression courante donnant à penser que Narcisse s'aimait démesurément, au point de se noyer en voulant embrasser son reflet, l'auteur rappelle que Narcisse était au contraire un personnage d'un vide intérieur total, souffrant d'un sentiment d'impuissance et d'insécurité permanents, qu'il tente de soigner par un égotisme déviant à en mourir.


Lasch explique que le capitalisme post-moderne, pour perdurer, a besoin de consommateurs repliés sur leurs caprices individuels et sur leur "intérêt bien compris" (Adam Smith). Des consommateurs sans Histoire, sans père, sans culture, sans limite et en quête incessante de valorisation de soi... En somme, des enfants qui le restent pour toujours et dont les seuls éducateurs seront la publicité de masse et les "experts" (en politique, en séduction, en consommation, en décoration d'intérieur...). Et là où un enfant maîtrisera progressivement son désir infantile de toute-puissance en apprenant à donner, recevoir, rendre, attendre son tour etc., le nouveau Narcisse deviendra un compétiteur aguerri qui ne connait que les rapports de domination -ou tout au mieux de donnant-donnant.
Comme le disait le philosophe américain George Trow, "lorsqu'il n'y a plus d'adultes, commence alors le règne des experts". Force est de constater l'actualité brûlante de cette analyse...


Marx parlait bien des "eaux glacées du calcul égoïste", il est à craindre que le Narcisse contemporain s'y noie d'ici peu...

Wlade
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le 30 nov. 2016

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