La Disparition
7.1
La Disparition

livre de Georges Perec (1969)


Un rond, pas tout à fait clos, finissant par un trait horizontal: on
aurait dit un grand G vu dans un miroir.



Durant l'an dix fois dix fois vingt moins trois fois dix moins un, Gallimard publia un roman original d'un scribouillard français ayant un point commun, s'il y a occultation du "s" final, l'unissant à Washington, à Harrison, à Sand itou. Original car il n'y a pas un noyau pas tout à fait rond, pas tout à fait un "o" ni un "c" sur trois fois dix fois dix folios noircis, ouah d'admiration...


Un roman abracadabrant d'humour noir qui a du Fantômas, du Lupin, mais surtout du Agatha pour un bouquin sur huit plus un couillons occis par six moins cinq assassin sur un îlot. Ici, dans La Disparition, la Damnation touchant maints humains, qui sont abattus dans la maison d'Augustus B. Clifford à Azincourt.


Un roman parfois un poil trop long, tantôt pas attrayant, mais toujours fascinant, stimulant, par occasion captivant surtout sur la fin, au bout satisfait de l'avoir lu.


D'autant, il y a un fond du plus profond du ka du scribouillard. Papa, maman, un conflit mondial, papa manquant, un camp nazi, la Shoah, ciao maman, un son manquant, un pronom parti...


J'ai mis pour finir mon avis moult citations du roman :



Anton Voyl n'arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait
minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s'assit dans son lit,
s'appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l'ouvrit, il lut;
mais il n'y saisissait qu'un imbroglio confus, il butait à tout
instant sur un mot dont il ignorait la signification. Il abandonna son
roman sur son lit. Il alla à son lavabo; il mouilla un gant qu'il
passa sur son front, sur son cou. Son pouls battait trop fort. Il
avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux.
Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu'un
glas, plus sourd qu'un tocsin, plus profond qu'un bourdon, non loin,
sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif
signalait un chaland qui passait. Sur l'abattant du vasistas, un
animal au thorax indigo, à l'aiguillon safran, ni un cafard, ni un
charançon, mais plutôt un artison, s'avançait, traînant un brin
d'alfa. Il s'approcha, voulant l'aplatir d'un coup vif, mais l'animal
prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu'il ait pu
l'assaillir.



Ça m'a l'air si vrai qu'il y a là, pour moi, quasi la Loi du roman
d'aujourd'hui : pour avoir l'intuition d'un pouvoir imaginatif sans
limitation, allant jusqu'à l'infini, s'autonourrissant dans un
surcroît colossal, dans un jamais vu allant toujours croissant, il
faut, sinon il suffit, qu'il n'y ait pas un mot qui soit fortuit, qui
soit dû au hasard, au train-train, au soi-disant naïf, au radotant,
mais, qu'a contrario tout mot soit produit sous la sanction d'un tamis
contraignant, sous la sommation d'un canon absolu !


Plume231
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le 28 mai 2017

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