Très bonne surprise que cette Faucheuse de Neal Shusterman. Tous les ingrédients y sont : des personnages attachants, un monde crédible (du moins autant qu'il puisse l'être), une langue efficace au service d'une histoire prenante, le tout servi frais avec une cerise de sang sur le gâteau.
Ce qui rend ce roman supérieur à d'autres de la même catégorie, c'est qu'à côté de cette bonne recette exécutée avec talent et application, Shusterman nous sert quelques considérations philosophico-métaphysiques sur le nouveau monde (celui où la mort naturelle n'existe plus) et le terrible métier de Faucheuse (ces anges de la mort qui ont remplacé la Nature dans son office le plus noble).
Ces considérations se présentent sous la forme d'extraits de journaux personnels de différentes Faucheuses insérés à la fin de chaque chapitre. Que l'on se détrompe : il ne s'agit pas ici d'un coulis sucré et écœurant qui, à vouloir rehausser le goût du gâteau, finit par dégoûter. Au contraire, ces apartés donnent une profondeur au roman en levant un pan de voile sur la psychologie intérieure des Faucheuses à la mission aussi absurde qu'aliénante : comment apporter le malheur dans un monde qui se noie dans le bonheur ? Ou plus simplement : comment apporter la mort à ces humains qui n'en finissent plus de vivre ?
Je pourrais reprocher une chose à Shusterman, c'est son antagoniste un peu caricatural, du genre 'grand méchant puissant et charismatique à l'ego monstrueux assoiffé de pouvoir'. Il me semble qu'un monde où le Mal a disparu aurait pu être le décor d'un antagonisme plus intéressant non pas entre un camp du Bien et un camp du Mal si facilement identifiés, mais entre différentes versions du Bien. Au lieu de cela, le roman se contente d'un manichéisme ultra-conventionnel très caractéristique de nos sociétés de mortels mais somme tout peu adapté au nouveau monde de la Faucheuse.