Moins célèbre que « 1984 » mais presque aussi visionnaire, « La Ferme des animaux » fait d'emblée preuve d'une lucidité et d'une intelligence sur la nature humaine qu'elle en devient assez troublante. Tel La Fontaine en son temps, George Orwell donne le pouvoir aux animaux en imaginant un monde où ces derniers auraient pris possession de leur ferme avec pour objectif de la diriger au quotidien, voire de la rendre plus prospère.
Ce qui est très habile, c'est la manière dont l'auteur parvient à la fois à créer une dystopie assez crédible (toutes proportions gardées, nous ne sommes pas dans le réalisme) intégrant les caractéristiques des différentes espèces tout en dressant un réquisitoire saisissant sur ses congénères, constat, hélas, peut-être encore plus d'actualité aujourd'hui qu'en 1945.
Sincèrement, le nombre de fois durant ma lecture où je me suis dit : « putain, mais c'est tellement ça » atteint sans aucun souci la dizaine, comme si Orwell avait anticipé (entre autres) la Macronie et ses députés alors qu'il dénonçait à l'époque le stalinisme (drôle de paradoxe, j'en conviens, mais à la lecture c'est saisissant).
L'écrivain semble résigné (ou presque), la société démocratique et « humaniste » se dessinant au départ glissant doucement mais sûrement vers le totalitarisme le plus... total, sans que personne ne se pose quasiment la moindre question, du moins ne se rende compte de ce qui se passe réellement, à base de « négationnisme factuel » et de réécriture des lois tout en ayant pris soin d'avoir éliminer le seul rempart contre le Mal et étouffer la moindre révolte possible.
Jusqu'au bout je l'ai pourtant attendu, persuadé que celle-ci allait finir par intervenir : il n'en fut rien, la conclusion, implacable, nous faisant comprendre à quel point il était illusoire d'attendre l'insurrection des opprimés et leur absence de réflexions, voire d'intelligence.
Si j'ai pu être un peu moins réceptif par moments, j'ai été agréablement surpris de découvrir à quel point le roman se lisait facilement, la narration comme le propos apparaissant constamment limpides. Bref, un grand classique du genre méritant ô combien son statut, encore plus aujourd'hui qu'hier et sans doute moins que demain... Brillant.