Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la grande majorité du propos politique de ce livre ne se trouve qu'en introduction et conclusion. Le reste, la majorité, n'est qu'une succession de billets plus ou moins intéressants – plutôt moins que plus – sur des rencontres et dîners que Zemmour a pu effectuer ces 20-30 dernières années.
Et bon, à moins que ça vous intéresse de lire Zemmour pleurnicher pendant 2 pages parce que Merluchon lui a pas serré la main en 2014, l'intérêt est quand même salement faible.
Donc je vais parler de l'intro et la conclusion.
Déjà, on peut noter que l'intro est une espèce de soupe confuse qui est pour moi assez symptomatique – et très représentative – des discours d'extrême droite actuels. D'une page à l'autre, d'une ligne à l'autre, l'ennemi change de forme dans une continuité confusionniste à peine dissimulée : les bourgeois, les musulmans, la gauche, les afghans, les banquiers, les communistes, les mondialistes, les marocains, les libéraux, les islamistes, les européistes, les juges et magistrats,...
Bien sûr, cette confusion de l'ennemi est entretenue intentionnellement. Il ne faudrait pas que les gens réalisent que les intérêts de la plupart de ces groupes de gens divergent, voir s'opposent.
Les ennemis sont par ailleurs désignés sur des alternances de faits exacts, d'informations floues ou partiellement tronquées, et de purs mensonges issus des plus hilarantes paniques morales que les médias de droite peuvent nous dégoter aux Etats Unis. C'est ce qui m'a inspiré le titre de cette critique, et ça saute aux yeux : tout ça ne repose que sur un mille-feuille argumentatif, une base aussi friable que du gypse, un fond absolument impossible à débunker car non défini. La position politique de Zemmour et de ses soutiens, ce n'est pas une position de la rationalité, c'est une croyance émotionnelle, une expression des sentiments. Débunkez ce que vous voulez ; ils trouveront toujours le fait divers ou la statistique pour se conforter dans leur idéologie.
La conclusion diffère un peu, car moins à charge ; elle est, dans tout le livre, ce qui s'apparente le plus à un "projet politique". Malheureusement (ou heureusement), difficile encore une fois de faire plus confus. Zemmour appelle les "Français" à se battre pour préserver leur souveraineté contre un ennemi jamais défini, qu'on suppose alors être celui décrit dans l'introduction et parfois évoqué au fil du bouquin : une chimère qui n'existe que dans ses fantasmes, un produit de son besoin psychologique d'identifier le "Mal" qui peu à peu ronge la Nazion.
Qu'est-ce que je pense du livre? C'est mitigé. Toute la partie de billets est plutôt inintéressante, à moins que vous soyez historien spécialisé dans les hommes politiques de droite de la fin du XXème siècle.
La conclusion en revanche, et surtout l'introduction, sont des cas d'écoles formidables si vous souhaitez comprendre mieux la pensée de droite, comment le mille-feuille de rien arrive à former ce repli national socialiste qu'on lui sait si coutumier.