"...alors tu me conseillerais un bouquin de philo ?"
Comme j'aime tout particulièrement Mahler et que je me suis essayé à la lecture de Zarathoustra (je ne vais pas faire semblant d'avoir tout saisi, par contre), M. m'a prêté son édition critique de la Généalogie de la Morale. Elle a fait des études de philo, le livre était soigneusement surligné au stabilo rose, jaune, vert et bleu suivant un code qui, je le crains, m'a complètement échappé. Tout de même, j'ai aimé ce livre.

La morale des maîtres (le bon supérieur au mauvais) et la morale des esclaves (le méchant contre une autre sorte de bonté) s'opposent dans l'histoire, la seconde - intelligente, pleine de ressentiment, qui travestit la faiblesse en vertu - finissant par triompher sur la première - solaire, brutale, naïve. C'est la morale chrétienne.
Tiraillé par ses aspirations contradictoires et ne pouvant exprimer sa volonté de puissance, l'Homme tourne contre lui sa soif de liberté et créé sa mauvaise conscience, la conscience de la dette qu'il ne peut rembourser, envers autrui, envers la société et - à son stade ultime, envers Dieu (dette et faute : le même mot en allemand).
Ainsi, le troupeau des faibles trouve-t-il dans les tenants de l'idéal ascétique ses gardiens. Ils ont su transformer le ressentiment, devenu mauvaise conscience, en conscience de ses pêchés, l'Homme peut ainsi se sentir coupable de ses propres souffrances. L'athéisme reste emprunt de morale, la science de l'idéal de vérité absolue : ce n'est pas de là que peut venir la libération. Mais quelle libération finalement ? La souffrance que plus rien n'explique, sans but, ouvre la porte à l'absurde, celui qui hantera le siècle suivant.

Bref : en trois dissertations, Nietzsche montre que les valeurs morales doivent être des objets d'étude et d'évaluation (quelle est la valeur des valeurs ?), ce sont des créations de l'homme, animal évolué, imparfait, sujet à la maladie, et non pas des commandements immuables gravés dans la pierre. Chaque détour du texte, chaque exemple ouvre une porte de réflexion (d'où vient la justice ? pas de la vengeance - à quoi sert le châtiment ? pas à faire prendre conscience de la faute...), et c'est subtilement différent que l'on ressort de la rumination de ce livre.
Flubuh
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le 20 juil. 2014

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