Voilà-t-il pas que ce Ken Liu, américain d'origine chinoise et auteur d'un certain nombre de récits science-fictionnels, pour lesquels il a reçu pas mal de récompenses, dont le prix Hugo et Nebula, vient poser ses balls of steel sur la table, en nous pondant cette Grâce des Rois, oeuf issu d'une poule aux oeufs d'or qui intéresse déjà par son univers : au placard les châteaux forts européanisants, les elfes en bikini et les paladins loyaux bons niveau 69, place à Dara, contrée aux accents de Chine antique saupoudrée de Steampunk (yep, il y a des engins volants dans ce bouquin) trônant au beau milieu de l'océan, dont les plusieurs royaumes la composant furent unifiés dans le sang par son nouvel empereur, apportant un âge d'oppression en exploitant ses sujets à grands coups d'impôts et de travaux forcés, au nom de ses chantiers pharaoniques organisés à la gloire de sa mégalomanie, tout cela dans le but de mettre fin une bonne fois pour toutes aux guerres meurtrières opposant les différents états.
L'empereur Mapidéré, auquel rien en manque à part le bonheur, ne semble pas savoir de quoi l'enfer est pavé, il ne sait pas non plus que les dieux sont en colère, et que la révolte s'apprête à gronder parmi ses sujets.


On le voit d'emblée, le bousin se distingue du tout-venant fantasiesque par ses inspirations, dont le caractère idiosyncratique ne fait cependant pas office de cache-misère d'un possible manque de profondeur de son monde, puisque Liu sait comment créer des nations à la géopolitique complexe, avec chacune ses petites particularités, qu'elles soient géographiques ou culturelles, qui viendront influencer les personnages (et par extension, l'intrigue) dans leurs aspirations ou leur manière de voir le monde.


Puisqu'on parle des personnages, autant continuer à palabrer à ce sujet, puisqu'ils sont tous très bien fichus : chacun aura droit à sa personnalité crédible bien à lui, à son histoire poignante et à ses liens solides avec les autres acteurs de l'histoire, même ceux auxquels ne seront consacrés que quelques pages (mention spéciale au roi Jizu).


Mais ceux qui portent ce récit de 800 feuilles sont sans conteste les deux héros, aussi opposés que le sont le Ying et le Yang et qui deviendront par la force des choses meneurs de la rébellion : Mata Zyndu, descendant de l'une des familles nobles les plus farouchement opposés à l'empire qui a jusque-là vécu dans la misère et l'anonymat, colosse jusqu'au-boutiste de plus de deux mètres, foudre de guerre invincible, qui charge tête baissée avec son gigantesque cheval Réfiroah dans une bataille à 1 contre 10, ne s'embarrassant d'aucune putain de forme de stratégie et en sortant malgré tout victorieux, pénétré d'une pensée conservatrice quant à l'organisation de la société, donnant un très grand prix à l'honneur, mais beaucoup trop brutal. Ce gars m'a d'ailleurs beaucoup rappelé Raoh, dans Hokuto no Ken.
En face, il y a son meilleur ami, Kuni Garu, fonctionnaire sympathique et cultivé, devenant d'abord chef de bandits en lutte contre la macroni...euh, l'empire (rappelant par là ces romans de cape et d'épée chinois), rusé comme un renard et doté d'un coeur compatissant, qui veut lui aussi unifier Dara pour la libérer du cercle vicieux de la guerre, mais sans répéter les erreurs de Mapidéré, et en usant surtout de clémence et de stratégie.


En somme, de la très bonne Fantasy militaire évoquant parfois le conte et le récit mythologique, avec ce que ça comporte de stratégies ingénieuses, de coups de put...euh, de théâtre, de retournements de situation de ouf guedin, d'histoires tragiques, de récits prenants, de revers et d'heureuses victoires, où Liu prend le temps d'introduire ses enjeux et ses personnages pendant les 150 premières pages (mais après, le bouquin se réveille, et il fait pas semblant), avec par-dessus le marché une très belle plume riche en comparaisons et métaphores, poétique pour de vrai (à savoir qui ne sombre pas dans la poésie de comptoir).

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le 16 févr. 2020

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