La guerre n'a pas un visage de femme par François CONSTANT

'La guerre n'a pas un visage de femme' est un livre peu ordinaire. Il est signé, en 1985, par Svetlana ALEXIEVITCH, une auteure Biélorusse et fait partie de ses 'romans à voix', symphonies qui mêlent les témoignages les plus terribles et les plus intimes sur les tragédies du siècle soviétique. (Michel Eltchaninoff) Traduit en français en 2004, il a été édité aux Presses de la Renaissance.


Le pari tenu, dans ce livre est de donner la parole aux femmes russes pour leur permettre de raconter leur guerre contre Hitler, contre les allemands. Et quelle guerre! Une guerre où les femmes ont pris des places fortes au sein des combats contre les nazis. Une guerre où elles ont été infirmières, lavandières, cuisinières, ... mais aussi pilotes, tireuses d'élite, chefs de brigade des sapeurs, espionnes, et j'en passe. Rien n'était prévu pour elles dans l'armée russe, elles étaient partout!


La force de Svetlana ALEXIEVITCH est d'avoir pu marier le tragique, le banal, le drôle, le cosmétique de ces témoignages avec sa volonté d'écrire 'l'histoire des âmes'. Toujours, à la relation des faits, sans les trahir, l'auteure cherche à coupler une recherche de sens sur l'humain, même quand celui-ci semble perdre toute humanité dans la bestialité de la guerre. Un livre témoignage remarquable!
Un livre qui remet à sa vraie place la femme russe des années de guerre, homme soldat et néanmoins femme. Un livre qui remet à leurs vraies places les actes de bravoure de tant de russes, morts au front ou choqués à vie ; russes qui, eux aussi ont participé à la défaite de Hitler, bien que l'Histoire trop souvent retenue par le commun des mortels semble se limiter à l'intervention salvatrice du débarquement américain. Enfin un livre qui donne aux témoignages la place centrale, les commentaires et l'analyse de l'auteure ne servant qu'à mettre du lien, du sens et à nous interroger à sa suite. 'J'ai toujours été curieuse de savoir combien il y avait d'humain en l'homme, et comment l'homme pouvait défendre cette humanité en lui' (Svetlana ALEXIEVITCH)


Alors, c'est vrai, la forme choisie par l'auteure paraît parfois un peu lourde, redondante pour le lecteur de notre vieille Europe. On a l'impression qu'elle aurait pu dire autant avec moins de témoignages qui semblent se répéter sans rien apporter de vraiment neuf. Cela, ne l'oublions pas, aurait été une trahison du pari de l'auteure. Elle ne veut pas parler à la place des femmes, elle veut leur donner la parole. Son choix littéraire est donc cohérent avec son objectif d'écriture.


Un livre qui n'est pas facile à lire ... mais qui en dit tant sur l'humain!

Créée

le 31 mai 2016

Critique lue 1.6K fois

12 j'aime

8 commentaires

Critique lue 1.6K fois

12
8

D'autres avis sur La guerre n'a pas un visage de femme

La guerre n'a pas un visage de femme
François_CONSTANT
8

Critique de La guerre n'a pas un visage de femme par François CONSTANT

'La guerre n'a pas un visage de femme' est un livre peu ordinaire. Il est signé, en 1985, par Svetlana ALEXIEVITCH, une auteure Biélorusse et fait partie de ses 'romans à voix', symphonies qui...

le 31 mai 2016

12 j'aime

8

La guerre n'a pas un visage de femme
Fl0re
10

Des femmes qui n’ont pas un visage de guerre

Des récits, des fictions, des films sur la Deuxième Guerre mondiale on peut en trouver jusqu’à en être gavé jusqu’à la moelle. À un tel point que parfois certains ouvrages nous semblent redondants ...

le 4 août 2012

10 j'aime

La guerre n'a pas un visage de femme
Wakapou
9

Egaux jusqu'au bout

« Les femmes soviétiques ont rendu des services inappréciables à la défense nationale. Elles travaillent avec abnégation pour le front ; elles supportent courageusement toutes les difficultés du...

le 30 juil. 2014

8 j'aime

Du même critique

Charlotte
François_CONSTANT
8

Critique de Charlotte par François CONSTANT

La chevauchée tragique de la Mort qui pousse à vivre. La Mort qui s’approche, s’accroche, fait peur, étouffe, éloigne, rapproche. La Mort qui force Charlotte Salomon, juive allemande, à devenir sa...

le 20 nov. 2014

18 j'aime

4

L'Amour et les forêts
François_CONSTANT
8

Critique de L'Amour et les forêts par François CONSTANT

À travers « L’AMOUR ET LES FORÊTS », paru chez Gallimard en 2014, je découvre l’auteur Éric REINHART. Belle découverte ! Bénédicte Ombredanne est une lectrice de cet auteur. Ayant apprécié son...

le 27 févr. 2015

17 j'aime

4

L'Art de perdre
François_CONSTANT
8

Critique de L'Art de perdre par François CONSTANT

« L’art de perdre » écrit par Alice ZENITER est la troublante histoire du silence de deux nations conduisant à la perte de paroles, donc de mémoire, de trois générations, celles d’Ali, Hamid et...

le 7 nov. 2017

14 j'aime