Peut-être l'un des romans les plus difficiles à lire que j'ai pu voir, et l'un des plus fascinants à la fois. C'est bien simple, j'étais sans cesse rebuté par la complexité et l'austérité de certains passages, mais toujours persuadé de continuer par le caractère bluffant de l'ouvrage.

Tel le lecteur, Golgoth et sa Horde doivent donc atteindre l'Extrême-Amont, en partant de l'Extrême-Aval, symbolisés respectivement par les pages 0 et 700. Tels les héros, le lecteur devra de plus en plus lutter pour connaitre la fin, mais quelle épopée ! Comme le dit d'ailleurs un des personnages, c'est plus le voyage qui enrichit que l'objectif, alors que c'est pourtant ce dernier qui pousse à continuer.

Pour que l'expérience soit intéressante, Damasio propose pas moins de 23 narrateurs différents, d'importance fortement inégale. Le leader Golgoth aura un style brutal, direct et familier, tandis que l'élégant troubadour Caracole enchaînera les phrases d'une beauté poétique. Tous les personnages ont évidemment une personnalité propre et bien marquée, même les plus secondaires, et peu à peu on se fait à cette fameuse équipe, on retient leur symbole sans mémo, on comprend toutes les relations qu'ils entretiennent entre eux, et on s'y attache. Damasio prend d'ailleurs bien son temps avant d'opérer à des sacrifices, pour que peine et désespoir soient pleinement ressentis par le lecteur, pour qu'on comprenne le chagrin des protagonistes.

Difficile de classifier le roman, mais je parlerais d'un roman d'aventure. Les péripéties s’enchaînent, les lieux aussi, et les héros découvrent énormément de choses, plus ou moins surprenantes sur leur univers. De nombreuses ellipses ponctuent l'histoire pour laisser une certaine cohérence à la progression des héros, et permettre une différence marquée entre les divers endroits.

Mais la plus grande prouesse de Damasio, c'est le système de vents qu'il a crée. Complexe, riche, rebutant, les passages l'expliquant sont d'une lourdeur incroyable, et sont paradoxalement fascinants. Les différentes formes du vent, le vif et ses propriétés, les chrones, tout cela constitue peut-être l'unique facteur fantastique du livre, et le marque pourtant de manière extrêmement forte. Tel Sov le scribe, le lecteur sera souvent dépassé par tout ce qui touche au vent, alors que le principe de la Horde est de parcourir le monde pour réussir à le comprendre.

Enfin, la Horde du Contrevent, c'est aussi un livre plein de bravoure, plein de moments bluffants. Comme cette joute verbale longue de plusieurs pages, intégralement rédigée en palindromes, comme cet affrontement entre Silène et Erg qui semble durer cent pages en restant pourtant scotchant, ou comme l'affrontement du tant attendu pic de Norska. A couper le souffle, et c'est pour ce genre de moments, et pour le voyage plus généralement, que la Horde mérite d'être lu. Je donnerais bien neuf, mais le livre fut un tel combat avec moi-même que je me sentirais malhonnête de lui mettre davantage que huit. Une expérience très forte.
Floax
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le 4 nov. 2012

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Floax

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