C'est l'histoire d'un homme passionné, Alain Damasio, qui s'est décidé à construire le plus haut chateau de cartes.


Ça c'était la version courte. Reprenons depuis le début.


Il m'a fallu plusieurs jours pour me remettre de la lecture de ce livre. J'aurais voulu que ce soit suite un choc intellectuel monumental, mais nan, c'était tout le contraire, par la plus vicieuse manière de me faire du mal : me donner l'impression d'avoir perdu mon temps.


La Horde du Contrevent déborde de générosité, du moins c'est ce que laisse penser ses aspects expérimentaux, ludiques, et son univers original, approfondi plus que de raison. Mais voilà, tôt ou tard, on se rend compte que ce roman attend d'avantage de son lecteur, qu'il ne lui donne.
Il faut d'abord s'habituer à la narration polyphonique, au vocabulaire de l'univers, puis finalement de l'auteur. Les personnages s'expriment tantôt comme des hommes de lettres d'il y a quelques siècles, tantôt comme des cul-terreux vulgaires. C'est particulier, pas toujours agréable, mais quand même, il faut l'avouer, on s'y habitue au point que cette lecture schizophrène devienne une seconde nature.


Là où les problèmes commencent, c'est quand on s'intéresse à l'ambition du roman. Est-ce une fable philosophique ? Un récit d'aventure ? Un exercice poétique ? Rien n'est défini, ce qui ne fait qu'emplir le lecteur de grandes attentes, et recouvrir le livre d'une montagne de prétentions.


Parce que Damasio plonge à fond dans son délire. Il prend un plaisir démesuré à détailler ses personnages, faire des jeux de mots mi-foireux mi-inspirés, décrire son univers et son écosystème scientifico-sociologico-métaphysique, au point d'entrer périodiquement dans la pure masturbation intellectuelle, le concours de bite littéraire, à qui sera le plus lettré et le plus "créatif".
A ce sujet, je ne vais pas évoquer tous les moments où le récit se perd dans des moments ou des descriptions gratuites, futiles, mais la plupart des lecteurs se souviendront du longuet duel de joute verbale, qui n'intéressera probablement que ses potes profs de français et quelques francophiles...


Lire La Horde du Contrevent, c'est sentir le temps le temps qui passe. Le récit, étendu sur plusieurs années, est fait de diverses ellipses, de diverses épreuves, à travers quoi on voit évoluer les personnages. Si le récit ne se perdait pas autant dans l'exercice de style, on ne s'ennuierait jamais. Hélas, les chapitres sont inégaux, parfois contradictoires en terme d'intention, de registre, comme si Damasio voulait tout faire à la fois, avoir la plus grosse sur tout ce qui se rapproche de près ou de loin à la littérature.
Pour tempérer mon ressentiment - avant de m'attaquer au pire - je dois avouer que l'auteur démontre certains talents. Je me souviens de cette science du vent, du contre, imaginée avec la plus grande complétude possible, de certaines scènes où le coeur s'accélère, par la dangerosité d'un évènement et la vitesse des phrases, (logo, formation, vent) puis je me rappelle enfin de certaines scènes intimes et touchantes avant Norska.
Mais voilà, j'attendais de ce livre plus que de la démonstration technique, j'espérais du fond, à la hauteur de la quête et des allusions symboliques. J'espérais aussi une fin à la hauteur de ce pitch aussi mystérieux que captivant, à la hauteur de tout ce que le lecteur doit subir, supporter, avant d'attendre la page 1 (la numérotation des pages est à l'envers).


J'ai fait ce contre, avec les personnages, pas contre le vent, souvent contre l'auteur, mais je gardais espoir. Puis le dernière acte a fait dégringoler ma lecture dans l'apathie, l'indifférence, puis la déception noire de consternation.
Si je note 4/10, mon coeur, mon "vif", a envie de lui foutre un 2 tellement j'ai eu l'impression de m'être fait violé.


Comment peut-on prendre la tête des gens, avec un univers over-détaillé, over-complexe, des histoires de vif, de chrone, d'auto-chrone, de furvent, des personnages over-bavards, une quête over-épique, pour terminer sur un putain de twist moisie tellement prévisible qu'on n'ose l'imaginer ?
Pourquoi tout ça ? Pourquoi toute cette branlette stylistique, cette symbolique compliquée, cette pseudo-profondeur, dégoulinante dans chaque description et dialogue, pour foutre tout en l'air à la fin dans un registre à la " Ahah ! En fait c'était un rêve !".


J'ai passé plusieurs jours à retourner ma frustration dans tous les sens et je ne comprends toujours pas comment on peut se viander pareil. A croire qu'il s'est fait dépassé par ses ambitions, ou pire, qu'il n'a pas de considération pour le lecteur en droit d'attendre un paiement digne de son investissement et de ses interrogations.


Quant au propos, voilà ce qui émerge du récit : (ne lisez pas si ne voulez pas anéantir votre désir de le lire)


Grossièrement, pendant 700 pages on te parle de sacrifice, de foi envers un but peut être illusoire et dans tous les cas dictés par l'éducation, le conditionnement, etc. On te montre que La Horde évolue et par la même façon, se dépasse, dépasse les limites de l'humanité, pour progresser vers l'inconnu et la connaissance de soi (coucou 2001 l'Odyssée de l'espace).
Puis dans le dernier acte, jusqu'à son ultime dernière page, on te répète, à coup de burin, que rien n'a de sens, qu'il vaut mieux gambader nu dans les champs, baiser, faire des bébés, regarder le foot, et que les projets servent à rien, ne mènent a rien.


Bref, la dernière page du livre fut une balle tirée dans la tête, la balle du nihilisme le plus beta.
Et le pire dans tout ça, c'est peut être que Damasio ne l'a pas fait exprès.


Je ne sais pas quoi dire de plus, toute cette conclusion dissout tellement les autres qualités du bouquin et en fait ressortir toutes les faiblesses. A quoi bon m'éterniser d'avantage ?


"A quoi bon ?"
Voilà mes seules pensées pour ce livre.

F_b
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Créée

le 25 août 2014

Modifiée

le 27 août 2014

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F_b

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