La Horde du contrevent par BibliOrnitho
Un monde imaginaire, polarisé : depuis l’Extrême-Aval jusqu’à l’Extrême-Amont. Une bande de terre de quelques milliers de kilomètres de large s’étendant d’ouest (aval) en est (amont). Une bande faisant penser au monde des Shadocks sans qu’il soit pour autant besoin de pomper pour maintenir la Terre à plat. Une terre balayée par des vents violents, coulant invariablement de l’amont vers l’aval. La capitale (Aberlaas) est à l’Extrême-Aval. L’Amont est connu jusqu’à un certain point. L’Extrême-Amont reste Terra Incognita. Existe-t-il seulement ?
C’est cet Extrême-Amont que les Hordes successives partent conquérir. Depuis huit siècles ces élites quittent l’Aval durant leur enfance et marchent inlassablement vers l’Amont afin de trouver l’origine du vent. Huit siècles d’échec, les Hordes, malgré leur préparation rigoureuse, meurent ou disparaissent avant d’avoir atteint le bord oriental du monde.
La 34e Horde est en route, menée par son Traceur, le 9e Golgoth, un gars brut de décoffrage, taillé au burin, hâlé – façonné, raboté – par le vent et tout ce qu’Eole peut charrier de poussière, de sable et autres particules de taille variée. Dans son sillage, tels des Oies sauvages en formation, Sov le scribe, Pietro le Prince, Oroshi l’aéromaîtresse, Steppe le botaniste, Caracole le troubadour et dix-sept autres conquérants s’organisent, se battent pour aller de l’avant, contrer le vent qui déboule sur eux en furies violentes. A chacun sa spécialité, à chacun ses talents : un peu comme si les 4 Fantastiques étaient en fait 23.
A l’instar des Colomb, Magellan et autres Neil Amstrong, ces marcheurs sont de véritables héros, des légendes vivantes partis titiller l’inconnue et les toutes les superstitions qui s’y attachent. Mais la quête nationale se mue bientôt en autant de quêtes personnelles…
Alain Damasio, avec la Horde du Contrevent, a imaginé un monde fantastique, complexe, régit par des lois, des coutumes et un code d’honneur qui n’a rien à envier à celui des samouraïs. Un monde âpre, hostile, dans lequel vivre se résume souvent à survivre, à ne pas mourir. Les villages sont balayés par des tempêtes ahurissantes, ces furvents qui dévastent tout sur leur passage, laissant les rares survivants sans abri et sans ressource.
La très belle écriture de Damasio donne tour à tour la parole à ces Hordiers, différents et complémentaires : le langage du Scribe est riche, précis, celui du Prince est châtier, conciliateur, celui de l’Aéromaîtresse est scientifique. Alors que celui du Traceur est argotique et grossier. Une narration très diversifiée donc, qui s’enchaine au fur et à mesure que la Horde avance. Une narration somme toute assez lente tant les détails abondent et ralentissent autant qu’ils enrichissent le rythme de l’aventure. Un vocabulaire du vent inventé de toute pièce au service d’un monde, d’une mythologie éolienne d’une grande originalité.
Une merveilleuse saga qui m’a souvent fait penser à celle inventée par Tolkien. Une saga qui coule de la page 700 à la page 0 et dans laquelle j’ai toutefois eu du mal à me plonger (il m’a bien fallu 150 pages pour parvenir à m’intéresser à la chose). Une saga intéressante donc, mais émaillée de certaines longueurs.