La Horde, ce sont 23 personnages sur entraînés depuis leur enfance, chargés d'atteindre le bout du monde, l'Extrême-Amont, et de découvrir d'où vient le vent violent qui balaie le monde. Trente-trois hordes s'y sont essayées avant eux, et toutes ont échouées. Pendant des décennies, ils vont tenter de réussir au-delà de ce que les autres ont fait, sacrifiant tout autre aspect de leur vie pour trouver dans cet Extrême-Amont leurs paradis personnels.

"La horde du contrevent" est une expérience. Damasio s'empare du langage, le tort dans tous les sens, crée des mots, joue avec la typographie, et le résultat est époustouflant. Chaque hordier qui raconte l'histoire tour à tour a une manière de s'exprimer propre, et certaines sont de purs jeux d'écriture (les passages racontés par le Golgoth, neuvième du nom, sont particulièrement truculents). C'est une des grandes forces de ce roman, et aussi sa principale faiblesse. Parfois, l'auteur prend tellement plaisir à écrire qu'il semble en oublier le lecteur. Du coup, certains passages sont carrément chiants à lire (je pense notamment au combat d'Erg contre Silène, remplis de termes techniques inventés, qui est du coup difficile à suivre). Voilà pour le défaut de ce livre.

Mais à part ce point, "La horde" est une expérience de lecture d'une richesse incroyable. C'est un voyage, qui convie le lecteur à accompagner les hordiers dans leur contre, à lutter avec eux chaque jour pour avancer contre les vents, à s'attacher à eux malgré leurs faiblesses. Tous ces personnages sont en effet profondément humains, et l'alternance des narrateurs permet de partager les espoirs et les moments de creux de chacun, les rendant tous irremplaçables.
Comme dans beaucoup de voyages, ce qui compte n'est pas tant le but que les expériences accumulées en chemin. Ainsi, la fin est rapidement très prévisible mais ça ne gâche en rien la lecture. Comme dans le contre lui même, ce qui compte n'est pas tant l'achèvement que ce que les personnages vivent pour l'accomplir - et on finit rapidement par se foutre de la fin du livre pour ne penser qu'à continuer à voir les hordiers évoluer.

Je parle d'expérience, car je trouve que c'est un livre qui enrichi profondément son lecteur. Le monde qu'il a crée permet à Damasio d'intégrer de nombreuses réflexions sur la vie (vie dans la bande de contre et vie tout court). L'aventure des hordiers dans son ensemble appelle de nombreuses lectures métaphoriques. Ce roman permet de se plonger dans un nombre incalculable de réflexions sur le sens de la vie, l'absurdité de certains buts, la beauté des actions désespérées aussi, et je sais déjà que je pourrai le relire plusieurs fois avec plaisir, sans pourtant en épuiser complètement le sens.

"La horde du contrevent" est un monument d'écriture, et Damasio est un auteur de génie. Ce n'est pas une lecture facile, il faut parfois comme les hordiers baisser la tête et contrer certains passages, mais ça vaut réellement le coup de s'accrocher, car on en ressort de ce livre certainement plus riche que l'on n'y est entré.
CathyB
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le 8 juil. 2011

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CathyB

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