La Modification
6.8
La Modification

livre de Michel Butor (1957)

Vous voici embarqué dans le Paris-Rome. Oui, vous, là, Léon, puisque ce roman est écrit à la deuxième personne du pluriel et qu’il dure le temps que met un train à relier les deux capitales en 1957. Vous êtes Léon, vous êtes dans ce train, vous observez et vous cogitez. Vous partez plein d’enthousiasme, pour une nouvelle vie. Vous partez rejoindre Cécile, votre romaine maîtresse, laissant enfin derrière vous femme et enfants, après une décision mûrement réfléchie. Vous observez le wagon, les gens qui y entrent, ceux qui en sortent. Tout et tous vous rappellent un souvenir, un de vos précédents trajets Paris-Rome, ou Rome-Paris. Tout et tous vous ramènent à vous, à votre vie, à votre situation, dans un jeu de marabout-bout de ficelle, vos pensées rebondissant au gré des observations, au fil de vos sensations. Tantôt, vous êtes dans le présent, dans l’observation pure et simple de ce qui vous entoure, là, tout de suite, dans ce wagon, dans ce train. Tantôt, vous vous souvenez, vous parcourez les méandres du passé, de votre histoire, de votre couple, de votre vie, tout ce qui a conduit à votre situation actuelle et qui fait que vous vous trouvez à ce moment-là dans ce train-ci. Tantôt, maintenant que votre décision est prise, vous vous projetez dans l’avenir, dans votre vie future, vous la rêvez, la fantasmez… Le temps d’un trajet, ces incessants allers-retours de votre pensée vont la faire évoluer, l’éclairer d’un jour nouveau, la modifier… Serez-vous toujours le même homme lorsque vous poserez le pied sur le quai, en gare de Rome ?

De construction brillante et éclatée, ce roman ardu, parfois aride, qui fait appel à l’intelligence et à la vigilance du lecteur, ne serait-ce que pour conjuguer correctement les temps, pour assembler patiemment les pièces du puzzle, est un de ces romans qui marquent à jamais une expérience de lecteur, pour peu que celui-ci s’en donne la peine… (Il m’est arrivé de recommander et de prêter cet ouvrage… Il m’est toujours revenu très vite avec ce genre de commentaire : « Tiens, je te le rends, j’ai pas tenu 10 pages ! ». Hu hu hu… Depuis, je ne le recommande plus, mais je le garde bien au chaud dans mon panthéon personnel.)
CharlieBrown
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le 4 nov. 2014

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