Contrairement à ce que laisse entendre le titre, ce roman ne parle pas que du narrateur à l'âge adulte, ce sont plutôt souvenirs d'enfance et d'adolescence mêlés, puis la mort du père proprement dite. Ce dernier, en filigrane pendant toute la jeunesse de Karl Ove, est à la fois un père absent, un père idéalisé, un père fragile, un père intransigeant et égoïste, un père alcoolique. Dans une approche par pointillés, le récit d'une enfance norvégienne, loin de nous par certains aspects mais qui tend aussi à l'universel.
L'originalité indéniable réside dans l'approche qui est faite de l'autofiction : s'il y a bien un semblant de chronologie, les souvenirs sont néanmoins éparpillés, comme des flashes, des épisodes hyper détaillés et précis au détriment d'années passées sous silence. Je pense que c'est de là que viennent les rapprochements incessants faits entre l'œuvre de Knausgaard (dont La mort d'un père n'est qu'un premier tome) et celle de Proust : l'importance des sensations pour faire surgir un épisode apparemment bénin mais totalement marquant et basculant. Par touches se dessine un autoportrait torturé, intelligent mais complexe.
La dernière partie du livre, à partir de la mort du père proprement dite, bascule davantage dans le narratif, mais là encore détaillé à l'extrême : chaque moment qui passe éclaire la relation de l'auteur avec son père (mort alcoolique en totale déchéance), avec son frère, avec sa grand-mère, dans la maison dévastée par des années de vie d'ivrogne. Cette lutte pour la remettre en état est une reprise métaphorique de tout ce qui a précédé dans le récit.
Au final, ne pas chercher dans cette œuvre (qualifiée de chef d'œuvre parfois, dans le sens où, certes, il y a un génie littéraire certain) des rebondissements ou de l'introspection, mais plutôt un impressionnisme très intellectuel et assez réussi.
Une lecture exigeante mais à découvrir.