NON, je ne peux pas leur faire ça ! J’avais commencé mon commentaire sur un trait d’humour, un sarcasme sur la façon dont sont considérés les peuples amérindiens, les “Native Americans”, ces “citoyens de seconde zone”. Mais devant les centaines d’assassinats dénoncés dans cet ouvrage, ce serait trop leur manquer de respect.


Quand les colons d’Amérique déployèrent leur expansion dans les grandes plaines de l’Ouest américain ils eurent devant eux un immense espace vierge, fertile, accueillant, juste peuplé de troupeaux de bisons paissant paisiblement dans les hautes herbes, à perte de vue… Il y avait bien là quelques habitants, plus belliqueux, bizarrement décorés de couleurs formant des dessins étranges et coiffés de plumes. Les premiers récits de missionnaires les décrient comme : « le peuple le plus heureux du monde […] Ils savaient ce qu’était la liberté car ils ne possédaient rien et rien ne les retenaient. » Ils avaient un instinct grégaire et vivaient là depuis des siècles, se nourrissant de chasse et de cueillette. Des sauvages, quoi ! Qui défendaient leur territoire et qu’il fallait tuer pour prendre leur place, comme on le faisait avec les bisons. Le peuple heureux du Kansas, qui nous intéresse, s’appelle les Osages.
Lassé de faire la chasse aux indiens, car depuis que Christophe Colomb a cru découvrir les Indes, l’andouille, on les appelle des indiens (c’est malin !), on a pris le bison par les cornes, si j’ose dire, et on a gentiment demandé aux Osages de quitter leurs terres ancestrales du Kansas pour s’installer sur un territoire inhospitalier, désolé, aride et caillouteux, impossible à cultiver, que personne ne voulait, qui deviendra, plus tard, l’Oklahoma. Lors d’une assemblée, le chef Osage dit : « Mon peuple sera heureux sur ces terres. L’homme blanc ne peut y planter ses choses en acier. L’homme blanc n’y mettra pas les pieds. L’endroit est montagneux […]. L’homme blanc n’aime pas ça, et viendra pas s’y égarer. […] Alors ils achetèrent cet endroit pour soixante-dix cents l’acre, au début des années 1870, et entreprirent leur exode. »


Mais cet exil s’est rapidement mué en aubaine : en effet, il s’est avéré que le nouveau territoire Osage se situe sur le plus grand gisement de pétrole des USA et les chercheurs d’or noir sont contraints de louer les terres à la tribu indienne et de reverser des royalties sur leurs profits. Voilà les Osages prospères au point d’être « alors considérés comme le peuple le plus riche par individu au monde », même si le gouvernement fait tout pour réduire leurs profits (mise sous tutelle, assimilation forcée, etc.), les Osages demeurent immensément riches, de quoi attiser convoitises et haines.


Les « millionnaires rouges » ont d’énormes voitures, des maisons cossues, se font servir par des domestiques blancs et ne reculent pas devant les mariages mixtes dont les lits de noce sont confortablement capitonnés de billets de banque ! Et curieusement, très rapidement, de nombreux conjoints Osages tombèrent malades et décédèrent laissant des veufs, ou veuves (blancs) éplorés… mais riches.


Mais qui s’inquièterait de la disparition intempestive de « peaux rouges » ? Les représentants de l’ordre en place, n’étant pas en mesure (ou empêchés) de résoudre ces énigmes.
C’est sans compter avec la fortune des Osages qui se tournent vers les meilleurs avocats, les meilleures agences de détectives privés, et vers le gouvernement fédéral qui, au début des années 1920, va créer le BOI (Bureau of Investigation qui deviendra le FBI en 1935) avec pour directeur, un certain Edgar J. Hoover.


Ce livre rapporte donc le long et méticuleux travail d’enquête des agents du BOI pour confondre un certain nombre de responsables des meurtres d’Osages commis dans cette période qualifiée de « règne de la Terreur », entre 1920 et 1923, et également les recherches parallèles de David Gann, l’auteur, pour reconstituer ces enquêtes.


David Grann est né en mars 1967 à New York, il est diplômé du Connecticut College en 1989 et débute sa carrière de journaliste au Mexique, puis collabore à plusieurs journaux, comme le New York Times Magazine, The Atlantic, le Washington Post, le Boston Globe ou le Wall Street Journal. Il est, depuis 2003, reporter au New Yorker. Il vit actuellement à New York avec sa femme, et ses deux enfants.


Dans une interview aux “Inrockuptibles”, en mai 2018, il confiait avoir découvert les meurtres d’Osages en visitant le Osage Nation Museum en Oklahoma, il y a plusieurs années, où il y avait une photo, prise en 1914, qui montrait un rassemblement a priori innocent de colons blancs et de membres de la nation Osage dont une partie en avait été découpée. La directrice lui a assuré que s’y trouvait une figure si effrayante qu’elle avait dû la supprimer. Elle a pointé l’emplacement vide et dit : “Le Diable se tenait exactement là.” Il s’agissait d’un des colons qui avait participé au meurtre systématique des Osages pour leur argent issu du pétrole. C’est le point de départ de ce le livre qui lui a pris près de cinq ans. Il lui a fallu du temps pour retrouver les descendants des meurtriers et des victimes. Ce qui l’a surpris et choqué est l’ampleur des meurtres (plusieurs centaines). On ne peut pas saisir l’histoire des Etats-Unis sans comprendre le traitement des amérindiens par les colons. Les meurtres d’Osages représentent une part importante de cette histoire : ils éclairent le péché originel sur lequel le pays est né. Et c’est un pan longtemps négligé de l’histoire américaine qui doit être reconnu (Pour mémoire, voir “Contre-Histoire des États-Unis” par Roxanne Dunbar-Ortiz).


Jamais il ne m’a été donné à lire un texte aussi désagréablement écrit (au moins dans les deux premiers tiers). Est-ce dû à la traduction ? Je ne crois pas. J’accuserais volontiers l’auteur. Il m’apparait que les phrases se suivent de façons quelque peu désordonnées, leurs sens passant du coq-à-l’âne avec peu de rapport entre elles. La qualité des textes semble très inégale, suivant les passages. Tout se passe comme si on avait affaire à une juxtaposition de rapports de police rédigés par des personnes plus ou moins douées pour l’écriture…
Considérons que l’important est le fond et non la forme…

Philou33
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le 23 mai 2019

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Philou33

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