Eric Emmanuel Schmitt choisit un sujet difficile s'il en est. Un sujet que tout le monde connait de près ou de loin et croit maîtriser.
Dans son roman, l'auteur parle à son lecteur d'un personnage détesté s'il en est, à savoir le diable en personne Adolf Hitler.
Loin de se contenter de proposer une simple biographie, il essaie de comprendre ce qui a amené cet homme à devenir le monstre du XXe siècle.
En humanisant ce tristement célèbre chancelier, Eric Emmanuel Schmitt ne justifie absolument rien, il montre au contraire que chaque être humain renferme un monstre en puissance que seules les circonstances exceptionnelles révèlent au grand jour.

Pour cela, il choisit de diviser son roman en deux parties emboîtées l'une dans l'autre. Chaque chapitre appartenant successivement à l'une ou à l'autre des options exploitées.
D'un chapitre à l'autre nous suivons tour à tour Hitler (le personnage historique) et Adolf H.


Tout commence par la énième frustration infligée à un jeune homme trop sensible. Rempli d'espoir, il se voit refuser l'accès à l'académie des Arts et voit son avenir fermé. Suite à ce rejet supplémentaire qu'il n'est plus capable de supporter, cette âme va dériver et laisser libre cours à une haine qu'il entretiendra pour attirer l'attention dont il a besoin. C'est ainsi le regard de l'autre, la bienveillance et la considération qui entre en jeu de manière décisive.



« J'admets la part de l'autre dans la constitution de mon destin »
p 247



Ainsi il imagine un Adolf H. qui a réussi le concours d'entrée à l'académie, les amis qu'il s'y construit la confiance en soi qu'il se forge, les rencontres qu'il fait. La mise en parallèle des deux destins rend l'évolution du personnage encore plus glaçante. Comment l'indifférence, le manque d'amour et de reconnaissance forgent ce dictateur monstrueux et rempli de la haine de l'autre. C'est ce qui fait peur. Une maladresse, une incorrection de trop peut transformer un être humain adorable et brillant en personnage indifférent et aigri parce qu'il ne supporte plus, que c'est le petit choc de trop.


De là à dire que chacun de nous cache un monstre, il n'y a qu'un pas. Tout le monde ne sera pas à même de profiter des mêmes circonstances historiques mais il est certain que les blessures s'accumulant, un être humain ne peut pas en supporter d'autres indéfiniment et à besoin de dire STOP.
Là, Eric Emmanuel Schmitt rejoint le travail de Freud qui décompose la personnalité de l'homme pour comprendre ce qui peut amener un homme à ne vivre que de la haine de l'autre.
Tandis qu'Hitler subit échecs et blessures, il s'enfonce tous les jours un peu plus dans la haine et la paranoïa, Adolf H. apprend à faire confiance, s'épanouit et rencontre l'amour. Ca ne fait pas d'Adolf H un homme parfait qui n'a connu que la belle vie mais les gens qui l'entourent ont su l'aider à surmonter les difficultés rencontrées en lui montrant qu'il comptait.


L'Histoire à fait Hitler autant qu'Hitler à fait l'Histoire. N'ayant pas d'autre buts dans la vie que son ambition, il ne va pas tirer les leçons de ses échecs. Il va persister dans ses erreurs, s'enfermer dans son indifférence à l'autre qui vont le conduire vers ce destin destructeur. A contrario, Adolf H. va s'ouvrir aux autres et ainsi développer sa sensibilité positive qui fera fleurir son talent de peintre. Il va apprendre à s'engager envers d'autres, une femme aimée, un enfant, ses amis.
Hitler instrumentalise les autres, Adolf H. leur laisse prendre de plus en plus de place dans sa vie
Quand l'un est pétri de certitudes, l'autre souffre de doutes.


Cela peut paraître facile mais la richesse et la qualité de ce roman ne se résument pas aisément ni en quelques lignes. Tout ça pour vous inviter à le mire, qu’est ce que je ne ferais pas...

Rawi
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le 16 oct. 2015

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