La patience du diable ou la déception du maître.

Depuis des années, mes amis et collègues ne m'entendent parler que de Maxime Chattam. Depuis La Théorie Gaïa en 2007, je ne rate aucune sortie et ai même attendu 3h pour un autographe. J'ai dévoré La Trilogie du Mal, ai frissonné en froissant les pages de Carnage et ai même rêvé de la saga Autre-Monde. On m'appelle régulièrement un à deux mois après la sortie de son dernier roman pour me demander mon avis. Suis-je devenue une groupie ? Ou une référence ? Qu'importe, j'adore parler de mes coups de cœur littéraires et cinématographiques, et quel bonheur quand je convainc un ami de lire tel livre ou non et/ou de regarder telle série. C'est grâce à ces amis qui écoutent mes conseils et les suivent que j'ai décidé d'ouvrir ce blog.

L'univers de Maxime Chattam, que l'on pourrait qualifier de gore puisqu'il ne prend aucune pincette avec nous, il nous jette dans le bain de l'horreur sans nous apprendre à nager, est obsédant. Peut-être sommes nous comme ces sérial killers dont il fait le portrait, pervers et accro à l'hémoglobine. L'escalade de notre dépendance au frisson est de plus en plus forte, après un Chattam impossible de se satisfaire d'un Columbo.

On a tous un ou deux romans que l'on préfère dans la bibliographie d'un écrivain. Clairement pour moi, cela ne sera pas La Patience du diable.

Les choses étaient pourtant bien parties. Suite de La Conjuration primitive, l'action de La Patience du diable reprend quelques mois après le Canada. Les premiers chapitres se lisent très rapidement. L'action est au rendez-vous et on entre directement dans le vif du sujet avec l’arrestation de dealers qui ne transportent pas de drogue mais une marchandise inédite. Le mythe du diable entraine l’héroïne et ses coéquipiers sur les chemins des institutions psychiatriques. -Si vous aimez ce thème, Le Serment des limbes de Jean-Christophe Grangé devrait vous plaire.- Cependant, ce rythme endiablé retombe très rapidement et vient l'ennui : on avance en zig zag, on sent une brèche dans la qualité du scénario que même le style brillant de l'auteur ne parvient pas à cacher.

Chattam traite l'aspect sociologique de la contagion de la violence, la facilité qu'à l'homme de suivre et de se cacher derrière un mouvement, il est dommage qu'il n'ait pas poussé plus loin sa réflexion, le dénouement tombe comme un cheveu sur la soupe, le roman semble bâclé, il aurait mérité une centaine de page de plus. Pourtant, il y avait un vrai potentiel, quelle frustration !
On découvre un nouveau personnages Guillem, qui n'est malheureusement pas assez travaillé, l'action se concentre principalement sur Ludivine. Loin d'avoir le charisme de Joshua Brolin elle n'est pas à la hauteur et se sort des situations dans lesquelles elle se jette uniquement grâce à l'intervention, casi miraculeuse, d'un personnages secondaire. Où sont donc passés les trames complexes mais néanmoins logiques, auxquelles il nous avait habituées ? Et les personnages intuitifs qui apprennnent de leur erreurs plutôt que de les répéter ?

Ma référence Chattam, comme pour beaucoup de ses lecteurs, est La Trilogie du Mal, il aurait pu difficilement mieux faire. Les facettes de ses personnages ne sont pas dévoilées en un paragraphe, il nous faut plusieurs chapitres, voire plusieurs tomes pour les connaitre et anticiper leurs réactions. Le scénario est rodé, ficelé à la perfection et on le déficèle au fil des pages lentement jusqu'au dénouement et une seule chose alors nous obsède, le relire afin d'en deviner tous les détails.

Chattam m'avait habituée à refermer violemment les pages d'un roman en plein milieu de la nuit parce qu'un bruit dans l'immeuble m'avait affolée. La Patience du diable m'aura donné quelques pages de frisson vers la fin du roman. Un homme perturbé et endoctriné, un bus, des téléphones portables... Du pur Chattam, quel dommage que cela n'ai duré qu'une dizaine de page.

Jugerais-je aussi durement ses nouveaux romans si je n'avais pas encore lu sa Trilogie ? Surement pas, mais je l'ai lu.
Depuis La Trilogie du Mal, ses autres thrillers me paraissent de plus en plus fades... on y retrouve les mêmes leviers, les chapitres se suivent et se ressemblent, les personnages sont moins charismatiques. Peut-être plus humains et plus réalistes ? Oui, mais ne lit-on pas pour rêver d'autre chose que de la réalité ? On retrouve toujours le même schéma, si bien que le dénouement est rarement une surprise. Celui de La Patience du diable était si évident que j'ai voulu me convaincre que je ne pouvais pas avoir deviner si facilement, en vain.


Avec La Patience du diable, c'est ma patience à moi qui s'effrite. Maxime Chattam perd la première place dans mon Top 3 des meilleurs écrivains de polar, derrière Sebastian Fitsek et Bernard Minier. Cependant, je ne renonce pas à lire ses prochains romans, j’attends la bonne surprise.
Maxime Chattam me fait penser à un vieux magicien, ses tours sont bons mais vus et revus, on s’ennuie, il a besoin de renouveau.

Personnages : 2/5

Style : 4/5

Suspense: 2/5

Scénario : 2/5


La Patience du diable, Maxime Chattam : 10/20



Plume de crime-
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le 23 janv. 2015

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