J'avais lu avec une passion quasi foudroyante Des Souris et des Hommes de ce formidable auteur qu'est John Steinbeck, et alors que je trouvai ce petit livre qui ne payait pas de mine dans une vieille brocante, je l'achetai pour 50 centimes et le lus avec avidité. L'histoire est assez simple, deux jeunes Indiens d'Amérique, vivant à la marge de la société capitaliste occidentale, voient leur enfant être piqué par un scorpion et se mettent en tête de le faire soigner par un médecin français. Celui-ci refuse de les soigner à cause du manque de moyen des deux indigènes. En conséquence, ils pêchent des huîtres dans l'espoir absolu de trouver des perles et quelle ne fut pas leur surprise quand ils en trouvèrent une si grande, si grosse et si pure, qu'elle pourrait les rendre immensément riche et notamment soigner Coyotito, leur chaire et leur sang. Mais cette perle va corrompre toute leur ancienne harmonie, leurs relations avec les voisins et ira jusqu'à détruire leur famille, dans un dénouement tragique et d'une violence inouïe. Ce livre est plus une fable qu'un roman et se traduit donc pas une durée courte de lecture, au style mesuré et efficace à la Steinbeck. L'auteur avait décidé manifestement d'aller à l'essentiel et de frapper les esprits avec cette allégorie de la cupidité, très imagée et même diablement haletante sur la fin. Evidemment, il faut lire ce livre pour ce qu'il est : un conte, une fable et une image d'Epinal particulièrement réjouissant.
Au delà de cette histoire tragique, cette fable semble dénoncer la colonisation des Indiens par la civilisation occidentale. En plus de leur avoir imposé une religion égoïste et monothéiste qu'ils ne possédaient pas à l'origine, la notion d'argent, d'envie et de jalousie leur a été insufflé de la plus cruelle des manières, avec une indécence exécrable et un manque total d'humanité. Même si la naïveté à la Diderot, qui consiste à idéaliser les anciennes peuplades indigènes sont évidemment un peu galvaudées et exagérées, il est impossible de nier que leur colonisation, leur asservissement et même en partie leur extermination par le peuple américain a conduit à une terrible crise civilisationnel. De l'harmonie avec la nature, de l'amour des choses simples, familiales et agréables, la foudre religieuse et libérale de l'anglo-saxon, et même de l'Européen en général, vient dans un coup de tonnerre détruire des vies et une société immanente, à laquelle est imposée une transcendance et des valeurs étrangères. Il est légitime de renvoyer ces considérations au dernier livre de Michel Onfray, ou tout simplement de renvoyer à la lecture des grands classiques à la Diderot. Quoiqu'il en soit, la perle pure et lumineuse se révélera après cette lecture être le pâle reflet d'un arrière-monde empli d'illusions.